Plongez une grenouille dans une casserole d’eau froide et porter très progressivement à ébullition. La température interne du batracien augmente peu à peu et il finit ébouillanté sans s’en apercevoir. Certes, il faut avoir l’esprit un peu dérangé pour tenter pareille expérience. Mais quand on a été bercé par la gentille comptine de la souris verte plongée dans l’huile pour faire un escargot tout chaud, ça peut s’expliquer.
Le récit illustre surtout comment, lorsqu’un changement, aussi nocif soit-il, s’effectue de manière suffisamment lente, il ne suscite ni opposition ni révolte. Autant l’avouer, on n’a pas envie de se cramer les doigts pour sauver cette stupide grenouille totalement passive, indifférente au sort de ses congénères sacrifiés avant elle, qui gratifie même d’un sourire servile le cuistot en l’assurant: «Moi je reste positive, M’sieur».
Ça rappelle tous ceux qui estiment que les caméras sur chaque lampadaire, la reconnaissance faciale, la collecte des données, c’est pas dérangeant vu qu’eux, n’ont rien à se reprocher. Pareil pour les puces électroniques sous la peau. Bah, si ça peut éviter aux terroristes de paumer leur passeport dans les attentats, c’est une bonne chose.
Et puis arrive le jour où, comme en Chine, on vous refuse un crédit immobilier parce que vous avez laissé tomber un kleenex dans la rue, ou on vous pèse à la sortie du restau pour vérifier que vous n’avez pas trop mangé. Là, vous trouvez que c’est exagéré. Mais c’est trop tard, l’eau bout. Vous êtes cuit. Parce que le concept de cuisson lente, ça marche aussi avec les moutons.