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«Et l’homme créa la roue», l’Air du temps de Sylvie Balmer

La roue tourne, mais est-ce dans le bon sens? Découvrez la chronique de Sylvie Balmer

01 mai 2020, 18:25
/ Màj. le 04 mai 2020 à 05:30
bureau

C’est quand un grain de sable a enrayé l’engrenage et que le hamster est sorti de sa roue qu’il s’est rendu compte qu’en fait, il n’avait pas progressé d’un poil.

Toutes ces années, il avait pourtant fiévreusement pédalé dans la direction qu’on lui indiquait, en essayant de tenir le rythme. Il avait poursuivi ses rêves de propriétaire, de voyage au bout du monde, de réussite sociale, sans jamais se décourager, sans jamais se demander si ça valait le coup de pédaler autant, et s’il allait bien dans le bon sens, s’il allait supporter la cadence, s’il y avait une ligne d’arrivée au final ou s’il faudrait pédaler jusqu’au claquage ultime, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Il pédalait, tout simplement, les abajoues pleines, persuadé d’avancer.

Quand la roue de la fortune promise s’est arrêtée et qu’il a enfin levé la tête, le cobaye a pensé un bref instant à son cousin le campagnol qui court librement dans la vaste prairie. Mais il s’est vite ravisé, conscient que ses propres chances de survie dans la nature sont à peu près les mêmes que celle d’un Yorkshire.

Alors dès que ça a été possible, notre hamster s’est réinstallé dans sa roue du bonheur à venir, et a recommencé à faire du sur place avant même qu’on le lui commande. Déjà parce qu’il n’avait jamais imaginé faire autre chose, et ensuite parce qu’on n’est jamais mieux asservi que par soi-même.

A peine remarqua-t-il que les barreaux de sa cage avaient été encore un peu plus resserrés. Pour sa propre sécurité, préféra-t-il croire.

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