«Dernière lettre à Jacques», l’air du temps de Daniel Droz

Cher Jacques. Vous permettez que je vous appelle par votre prénom? Cher Jacques. Vous voici maintenant parti. Vous laissez une image contrastée. Non pas un grand vide. La nostalgie d’une époque révolue, plutôt.

Douze ans déjà que vous étiez à la retraite. Quelques-unes aussi que vous n’étiez plus apparu. On vous imaginait cloîtré et muselé. Vengeance féminine.

On se figure, comme celui de l’autre Jacques, le Bruxellois, votre dernier repas. Vous aimiez manger, pas que des pommes, et boire aussi. Avez-vous voulu voir vos vaches et vos femmes? Chanté les paillardes romances? Et moribond, avez-vous lancé au petit Nicolas un «je t’aimais pas bien»? Même si nous n’irons pas jusqu’à l’imaginer amant de votre femme. Bernadette était plus fidèle que vous.

Vous êtes-vous remémoré votre discours du Vél’ d’Hiv? Un propos fort que vos prédécesseurs n’ont jamais osé tenir. Les survivants de la déportation vous en sont reconnaissants. Vous êtes-vous souvenu de Dominique, votre voix retentissante dans le concert des nations? Il avait fait la fierté de la France, et pas seulement, en s’opposant avec panache à George Junior.

Alain, lui, doit être sincèrement triste. Le «meilleur d’entre nous» a payé vos casseroles. Il n’en a jamais vraiment été remercié. Avez-vous eu une ultime pensée pour le Bordelais?

Cher Jacques. Une dernière question: vous, catholique moins convaincu que votre femme, vous êtes-vous confessé? Avez-vous regretté «le bruit et l’odeur»?