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«Civilisation mortelle», l’air du temps de François Nussbaum

Que nous dit la colère d’une petite fille sur la mortalité de notre civilisation? Découvrez la chronique «Air du temps» de François Nussbaum.

02 avr. 2020, 05:30
AirDutemps-FrancoisNussbaum

«J’en ai marre de votre conavirus!» Fâchée, ma petite voisine toise sa mère du haut de ses 6 ans. «J’peux plus voir mes copines, j’peux plus voir ma maîtresse, j’dois rester à la maison, c’est pas drôle.» Sa mère, d’ordinaire plus expéditive, la regarde navrée: «C’est drôle pour personne, mais on n’y peut rien». Le ton est à l’empathie et à l’inquiétude, peut-être aussi au remords.

Remords? La petite a bien dit «votre» machin-virus, comme si les adultes portaient une responsabilité. Elle veut comprendre, quelqu’un a bien fait un truc faux pour qu’on en arrive là! Mais les parents, qui ont toujours réponse à tout, sont soudain déboussolés, démunis. Et ce profil bas ne rassure pas l’enfant: on ne lui cacherait pas quelque chose? Malheureusement oui.

Le problème, c’est qu’on ne sait pas trop quoi. Mais, si on considère notre civilisation, censée mettre tôt ou tard le monde sur des rails sûrs, il faut admettre qu’on lui témoigne une confiance un peu aveugle et largement passive. Elle est pourtant clairement engagée en Syrie, au Yémen ou au Sahara, dans le réchauffement climatique, mais aussi dans l’impréparation aux pandémies.

«Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles», écrivait Paul Valéry en 1919, au lendemain d’un conflit mondial absurde et de son cortège de 20 millions de morts. Il pensait à la perte de l’hégémonie morale de l’Europe dans la marche du monde. Mais il s’agit bien de civilisation et le message reste d’actualité, un siècle plus tard. Il n’est jamais trop tard.

François Nussbaum

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