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Bacri, l’art de râler et le goût des autres

La disparition de l'acteur français Jean-Pierre Bacri fait réagir Eric Lecluyse, rédacteur en chef d’«ArcInfo».

10 févr. 2021, 05:30
Eric Lecluyse.

Il était le champion des bougons. Dans «Un air de famille», il lâche «Je finirai tout seul», la mine défaite, dans la cuisine de son bar-restaurant. Attendri, son employé joué par Jean-Pierre Darroussin s’approche de lui, il le rembarre aussi sec: «Je t’ai dit que je finirai tout seul!» Il fait alors mine de ranger, comme si c’était de cela qu’il parlait.

Mort le 18 janvier, Jean-Pierre Bacri a inventé ce personnage de tendre grognon, avec ses questionnements existentiels dissimulés sous une bonne couche d’agacements. Dans «Adieu Gary», il est ainsi, parfois rude face à ses grands fils, qu’il aide comme il le peut, mais transpirant d’amour.

Même l’animateur télé en perte de vitesse qu’il incarne dans «Place publique», en 2018, n’est pas tout à fait antipathique parce que c’est Bacri.

Dans la vie aussi, j’en ai connu des Bacri, des gens qui râlent contre tout le monde mais qui ne détestent personne. Et c’est une belle manière de vivre que de s’énerver contre ce qui nous empêche de voir l’essentiel.

Continuons à râler contre ceux qui nous culpabilisent de ne pas être dans la norme. Râlons contre ce système qui place l’argent et la réussite au cœur de tout. Râlons contre ces mondes numériques qui grignotent nos libertés. Râlons contre les râleurs professionnels qui râlent par automatisme alors que le vrai râleur râle avec les tripes, car c’est sa manière de résister.

Oui, cultivons l’art de râler. Pourvu que derrière la grogne, il y ait le goût des autres.

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