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Eclairage: "Une jeunesse tunisienne sans avenir au pays"

Nos journalistes mettent en perspective des sujets d'actualité régionale, nationale ou internationale avec des analyses ou des éclairages. Aujourd'hui, Daniel Droz évoque les souffrances de la jeunesse de Tunisie.

06 juin 2018, 17:00
Plus de 100 migrants, en majorité des Tunisiens, ont perdu la vie en Mediterrannée samedi dernier.

«Des docteurs qui construisent des immeubles, c’est ça la Tunisie.» Abdeslam, 28 ans, est un des habitants que le quotidien français «Libération» a rencontré. Un reportage est consacré aux jeunes sans avenir. Le journaliste a suivi les routes qu’ils empruntent pour atteindre Lampedusa, l’île italienne située à 140 kilomètres. De l’autre côté de la Méditerranée, cette mer où plus de 100 migrants, en majorité des Tunisiens, ont perdu la vie samedi.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis le début de l’année, 2780 Tunisiens ont choisi la voie de l’exil vers l’Italie. Il s’agit du contingent le plus important arrivé en terres transalpines en 2018. Ils étaient plus de 6000 en 2017.

L’engouement créé par le soulèvement de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali a cédé le pas au désespoir. Le chômage s’élève toujours à plus de 15% et touche les jeunes à plus de 35%, les diplômés du supérieur à près de 30%. Abdeslam le dit à sa manière et ne partira pas. «Je me fiche d’avoir une belle maison et une grosse voiture. Un travail légal, c’est tout ce que je demande, c’est une question de dignité.»

La démocratie balbutiante – deux-tiers d’abstention lors des municipales en mai – a encaissé les coups depuis sept ans. Les attentats du Bardo, puis de Sousse, ont gravement touché le tourisme, pierre angulaire de l’économie. La situation chaotique en Libye n’arrange pas les choses.

Dans «Libération», l’économiste Edwin Le Héron enfonce le clou: «L’économie tunisienne ne produit que des petits boulots précaires», dit celui qui enseigné plusieurs années à l’Université de Sfax. «Le modèle économique national n’a pas été remis en cause après la révolution. Or il entrave le développement du pays. C’est économie de rente.» Un exemple? «Les businessmen ont bien plus intérêt à négocier l’importation de voitures Renault qu’à essayer d’imaginer la production de ces voitures.» Une logique qui va de pair avec la corruption. «Un cercle vicieux.»

L’Europe, qui veut fermer ses frontières, comprend-elle ceci? Qu’a-t-elle fait pour soutenir la transition en Tunisie? Trouver des réponses à ces questions, n’est-ce pas aussi inciter des jeunes, aujourd’hui sans aucun avenir, à rester au pays? Ça paraît simple. Mais l’Europe semble plutôt vouloir fourguer ses Renault aux Tunisiens.

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