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Eclairage: «Politiquement incorrects s’abstenir»

Des universitaires et des spécialistes nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Patrick Vincent, professeur à l’Université de Neuchâtel, évoque les dangers que court la démocratie dans le cadre de la crise du Covid-19.

07 mai 2020, 15:00
Aux Etats-Unis, des hommes armés ont pénétré dans les bâtiments du Parlement de l'Etat du Michigan.

A la différence de la crise du climat, on aurait pu espérer que la crise du coronavirus esquiverait les débats idéologiques, et que la science aurait le dernier mot. Aucune âme douée de raison ne souhaite voir l’économie s’effondrer, mais il faut être sans cœur pour accepter de condamner ses proches à une mort par asphyxie lente.

Or, en moins de trois mois, nous sommes arrivés à un clivage absurde entre l’économie et la santé. Ce clivage a été inlassablement monté en épingle afin de semer la zizanie et affaiblir nos démocraties.

Cette inconscience sidérale ne se limite pas aux Etats-Unis.

C’est aux États-Unis que cette instrumentalisation a été la plus grossière. Le président a nié le plus longtemps possible la dangerosité du virus, et essaie désormais de réparer ses pots cassés à travers la politique spectacle. Chaque soir, il joue à l’apprenti sorcier, invoquant des remèdes miracles, de la chloroquine à l’eau de javel. Il cherche des boucs émissaires, s’attaquant aux médias, aux gouverneurs, à l’OMS, à ses propres experts, et à la Chine, qui, selon ses dires, aurait fabriqué le Covid-19. Pire encore, il encourage des citoyens armés à se rebeller afin de mettre fin à une quarantaine qu’il avait lui-même ordonnée.

Cette inconscience sidérale ne se limite pas aux Etats-Unis. En Grande-Bretagne, au Brésil et en Russie, des chefs d’Etats impubères ont voulu se montrer plus forts que le virus, ou alors, comme en Hongrie ou en Chine, ont cyniquement profité de la pandémie pour asseoir leur pouvoir.
Sur les sites de «réinformation», on s’en prend de nouveau à George Soros.

Et, en Suisse, des tribuns tels qu’Yvan Perrin ou Roger Köppel continuent de ruer dans les brancards. Yvan Perrin critique le manque de solidarité de l’Union européenne dans plusieurs textes publiés sur Internet, alors que la santé n’est pas de sa compétence. Roger Köppel, lui, traite le Conseil fédéral de «dictatorial», et avance que le risque de mourir est de toute façon «pratiquement nul» chez les moins de 65 ans.

La démocratie ne peut pas survivre sans un débat rigoureux et des voix d’opposition. Mais l’attitude de déni de l’extrême droite face au virus, tout comme le comportement léger voire irresponsable de ses élus, rappelle à quel point le débat politique est devenu un dialogue de sourds, et pose la question de savoir comment nous survivrons à une autre crise bien plus complexe et potentiellement meurtrière, le changement climatique.

Mise à jour: l’avant-dernier paragraphe de ce billet («Et, en Suisse…») a été modifié le 21 mai 2021. Estimant que la formulation initiale pouvait laisser penser qu’il avait tenu des propos en réalité tenus par Roger Köppel et que cela portait atteinte à la considération dont il jouit, Yvan Perrin a saisi le Conseil de la presse, qui lui a donné raison sur ce point. Nous avons donc reformulé ce passage. Le Conseil de la presse donne en revanche tort à Yvan Perrin sur un autre point: l’emploi du terme «extrême droite» pour qualifier l’UDC n’est pas «une accusation anonyme et gratuite» puisque ce positionnement politique de l’UDC est «courant et manifestement admis dans la classe politique».

A lire aussi : Mise au point: Yvan Perrin, «ArcInfo» et l’«extrême droite»

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