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Eclairage: «mélanger les couleurs»

Des journalistes nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Vincent Zanetti, musicien, journaliste à la RTS, nous parle de la violence en marge des soulèvements populaires à la suite de la mort de George Floyd.

04 juin 2020, 17:30
La violence est-elle une fatalité?

Certains mettent genou à terre et lèvent silencieusement le poing pour dénoncer le crime. D’autres, ailleurs, donnent libre cours à leur colère et à leur indignation. Nuits d’émeutes, une partie de la société américaine vomit son racisme. Sa violence ressemble à la fièvre, quand elle ébranle notre organisme parce qu’il se bat contre un virus: un même phénomène de rejet.

Le problème, c’est que la violence appelle la violence. Et aux USA, justement, elle fait partie de l’ADN de la nation. Elle rythme son histoire, celle d’un pays bâti sur la colonisation, l’extermination des peuples autochtones, l’esclavage et la destruction simultanée d’au moins deux civilisations, amérindienne et ouest-africaine, sans parler des guerres «extérieures» et des blocus unilatéraux, qui sont autant d’actes de piraterie plus ou moins tolérés par la communauté internationale. Un héritage lourd, pas facile à assumer et forcément générateur de malaise qui se traduit, entre autres, par le racisme et la banalisation des armes à feu.

Pour évacuer sa mauvaise conscience, notre civilisation pense pouvoir défendre simultanément les droits de l’homme, la lutte contre le dérèglement climatique et les règles d’un capitalisme libéral et mondialisé.

Mais cette violence est loin d’être une spécificité américaine. Depuis toujours, la puissance des royaumes, des empires et même des républiques d’Europe s’est construite sur le même principe. Longtemps tue dans les métropoles, mais aujourd’hui scientifiquement documentée, l’horreur inouïe de certains épisodes coloniaux de l’Espagne, du Portugal, de la France, de l’Angleterre, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Hollande et de l’Italie suffirait, si elle nous était mieux connue, à nous ôter définitivement le sommeil. La quasi-totalité de la richesse de l’Occident est construite sur la guerre, l’esclavage et, aujourd’hui encore, une exploitation irresponsable des ressources au nom de la croissance.

Pour évacuer sa mauvaise conscience, notre civilisation pense pouvoir défendre simultanément les droits de l’homme, la lutte contre le dérèglement climatique et les règles d’un capitalisme libéral et mondialisé. Face à ses contradictions, elle fait pourtant le choix de s’interdire toute empathie et de ne plus penser la nature, les animaux et même les humains que comme des nombres.

Alors quoi, ça serait une fatalité? L’apartheid, le meurtre de George Floyd, le cycle de la violence, la ségrégation sociale et raciale? Pas forcément! Une alternative existe, elle passe par l’éducation des enfants et l’apprentissage quotidien d’un «vivre ensemble» respectueux, qui valorise les différences plutôt que de les brimer.

Il y a une année, lors d’une médiation culturelle dans les écoles de Martigny, mon collègue Samba Diabaté et moi montrions à des enfants de toutes origines qu’au-delà des apparences, un Suisse blanc peut devenir spécialiste du djembé et un Malien noir virtuose de la guitare. La réponse des élèves a donné cette chanson: «Mélanger les couleurs, la fierté dans ton cœur, dire d’où tu viens, tes origines, partager le bonheur dans le respect, en amis, en alliés. Vivons ensemble, différents, mais dans la paix.»

Par Vincent Zanetti

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