Le travail à distance a explosé pendant le confinement, sans provoquer de grave controverse. Plusieurs enquêtes mettent au contraire en évidence une opinion publique très favorable au télétravail, en dépit de caractéristiques à première vue rédhibitoires: utilisation de matériel personnel, empiétement sur l’espace de vie privé, difficulté de conciliation avec la vie familiale, augmentation de la charge de travail, manque de contacts, dépendance aux télécommunications…
Alors pourquoi cet engouement pour le télétravail? Au-delà de considérations générales tenant à la liberté et à l’autonomie, une hypothèse: le télétravail permet à un employé de circonscrire son activité aux tâches qui lui sont personnellement assignées.
Dans de nombreux environnements professionnels, généralement les services ou l’administration, on comprend qu’en travaillant à distance, on échappe à un grand nombre de tâches.
Les imprévus confiés au débotté, à la faveur d’une rencontre à la cafétéria; les tâches orphelines, qu’on pense devoir assumer à la place de collègues absents ou temporairement dépassés; mais aussi les activités de coordination, d’administration et de contrôle indispensables au fonctionnement de l’entreprise. La responsabilité de ces dernières incombe, par nature, à des cadres rémunérés spécifiquement pour cette responsabilité et qui soit s’en défaussent, soit en sont privés, par exemple en raison de longues et nombreuses séances.
Ces tâches non-distribuées sont à l’organisation ce que l’antimatière est au fonctionnement du cosmos. Ordinairement invisibles, elles manqueront au fonctionnement des entreprises à mesure que celles-ci sortiront du mode «survie» imposé par le Covid-19. Il y a donc des chances pour que le travail à domicile, malgré son apparente modernité, ne pedure pas dans les proportions qu’il a prise pendant le confinement.