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Eclairage: «L’aide au suicide est-elle acceptable en prison?»

Des universitaires nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, André Kuhn, professeur de droit à l’Université de Neuchâtel, évoque l’aide au suicide en prison.

18 déc. 2019, 17:00
La situation est différente pour un détenu si les raisons de la demande d’aide au suicide sont directement liées à l’incarcération.

Sachant qu’en Suisse l’assistance au suicide n’est punissable que si celui ou celle qui vient en aide à un(e) suicidaire agit par égoïsme, la loi ne punit donc pas l’aide au suicide exempte de tout mobile égoïste.

Une personne incarcérée peut-elle dès lors, comme tout autre citoyen(ne) de notre pays, demander à être assistée dans son suicide par un(e) médecin? A cette question, une réponse des plus nuancées s’impose.

Il serait inacceptable de ne pas octroyer les mêmes droits en matière d’assistance au suicide à tou(te)s les habitant(e)s du pays, qu’ils ou elles soient libres ou détenu(e)s. Nous bénéficions en effet tou(te)s d’une égalité absolue face à la loi. C’est ainsi que si une personne est en fin de vie et/ou que ses souffrances sont insurmontables, elle doit pouvoir envisager avec sérénité l’option de l’assistance au suicide.

La situation est cependant tout autre si les raisons de la demande d’aide au suicide sont directement liées à l’incarcération. L’aide au suicide ne peut en toutes circonstances intervenir qu’après avoir épuisé toutes les autres possibilités s’offrant en amont. Pour un(e) détenu(e), la question doit dès lors se poser de savoir si sa demande serait identique s’il ou elle était libre.

Si la réponse est positive, il ou elle doit pouvoir bénéficier des mêmes droits que nous tou(te)s; si par contre la réponse est négative, l’État n’a pas le droit de l’aider à mourir, car il est directement responsable de la situation d’enfermement qui déclenche la demande du ou de la détenu(e). Il aurait donc les moyens d’y mettre fin par l’intermédiaire de la libération.

Ce qui s’apparente ni plus ni moins à la peine capitale.

L’État qui estime qu’il est nécessaire d’enfermer un individu devient en effet garant de sa santé et de sa vie. Si l’on admet qu’il lui est autorisé d’intentionnellement échouer dans cette tâche de protection et que l’on tolère par là même le suicide motivé par la souffrance engendrée par l’enfermement, on admet implicitement que la peine peut mener à la mort, ce qui s’apparente ni plus ni moins à la peine capitale.

On ne peut ainsi pas prétendre être opposé à la peine de mort et, dans le même temps, ouvrir la porte à l’aide au suicide d’une personne détenue au seul motif de son incarcération.

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