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Eclairage: «Etats-Unis: que veut bien dire la Constitution?»

Des universitaires nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Patrick Vincent, professeur à l’Université de Neuchâtel, évoque le procès en destitution de Donald Trump et l’interprétation de la Constitution.

27 janv. 2020, 17:00
Le procès en destitution de Donald Trump se déroule au Sénat depuis la semaine dernière.

Depuis trente ans, la droite conservatrice aux États-Unis prêche une interprétation «originaliste» de la Constitution américaine, ce document quasi «sacré» ratifié en 1788. Selon un de ses interprètes les plus controversés, le juge de la Cour Suprême Antonin Scalia, la «Constitution est un objet fixe»: c’est aux vivants de s’adapter aux valeurs et intentions des «pères fondateurs» de la nation.

Le mouvement Tea Party qui émergea autour de 2010 pour contester la politique jugée trop interventionniste du président Obama, mais également les gais lurons armés jusqu’aux dents qui envahirent les rues de Richmond le 20 janvier dernier, appartient à ce courant «originaliste».

L’ancienne capitale de la Confédération sudiste était sous siège car son gouvernement à majorité démocrate a eu l’outrecuidance de passer plusieurs lois rendant plus difficile l’achat de fusils d’assaut. Les manifestants, aiguillonnés par la NRA, prétendent que de telles lois vont à l’encontre de l’intention originelle du deuxième amendement, et que tout un chacun doit pouvoir se défendre contre la tyrannie de l’État.

Négligeant la proposition subordonnée concernant les besoins d’une milice bien organisée, ils scandent à tout-va la phrase «il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes» tout en se disculpant des massacres à répétition dans les écoles et autres lieux publics.

Le jour de la manifestation, à une centaine de kilomètres plus au nord, les avocats de Donald Trump envoyaient au Congrès un argumentaire de 110 pages disculpant le président. Au lieu de nier ses actions, déclarées illégales par l’agence d’audit du gouvernement, ils ont choisi une stratégie beaucoup plus audacieuse, nier que l’«abus de pouvoir» est un crime ou qu’il viole la Constitution.

Il n’y a pas l’ombre d’un doute que l’«abus de pouvoir» figurait bel et bien parmi ces «crimes et délits majeurs».

Effectivement, le terme ne figure pas dans l’article II, section 4, qui stipule que le président pourra être destitué «pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs». Or quelle signification pouvait avoir cette dernière il y a 200 ans?
Si l’on en croit le rapport préparé en 1974 par le comité juridique du Congrès en vue de la destitution de Nixon, qui ausculte les intentions des auteurs de la Constitution, il n’y a pas l’ombre d’un doute que l’«abus de pouvoir» figurait bel et bien parmi ces «crimes et délits majeurs».

Héritée de la jurisprudence britannique et commentée par Alexander Hamilton, la procédure de destitution devait selon ce dernier permettre au pouvoir législatif d’empêcher «les abus ou violations de la confiance publique». De telles infractions, de plus, étaient considérées non pas criminelles mais politiques, se rapportant principalement aux dommages causés à la société.

En résumé, une lecture «originaliste» de la Constitution indique très clairement que les agissements du président Trump sont passibles de destitution. Or, curieusement, le même parti qui s’évertue à interpréter littéralement la Constitution pour défendre bec et ongles le droit de posséder une arme, répudie désormais la fixité, et le côté sacré, de leur texte fondateur.

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