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Eclairage: «Du concept de l’empêchement aux Etats-Unis»

Des universitaires nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Patrick Vincent de l’Université de Neuchâtel, évoque la procédure d’empêchement aux Etats-Unis.

09 oct. 2019, 17:00
Le président des Etats-Unis Donald Trump fait l'objet d'une procédure d'empêchement au Congrès.

Le roi ne peut rien faire de mal. Cette maxime juridique anglaise remontant au Moyen-Âge préconise l’immunité absolue du souverain. La Magna Carta de 1215, toutefois, suggère tout le contraire, stipulant l’égalité devant la loi, et donnant aux nobles et communes certaines franchises et droits.

Parmi ceux-ci, on peut citer l’impeachment, utilisé pour la première fois en 1371. Dérivé du mot empêchement, ce concept juridico-politique permit au Parlement de juger et déposer toute personne agissant de manière illégale dans le but d’accroître le pouvoir monarchique, mais pas le monarque en personne.

Il a fallu attendre la création de la première république moderne aux États-Unis et la rédaction de leur Constitution pour étendre le droit de destitution à un chef d’Etat. Selon l’article 2, le «président, vice-président et tous les fonctionnaires peuvent être démis de leurs fonctions pour cause de trahison, de corruption, et autres crimes importants». Afin de convaincre les citoyens de la nécessité de cette mesure, le numéro 69 du «Fédéraliste», rédigé par Alexander Hamilton, établit une distinction cruciale entre la fonction de président, «un officier élu par le peuple pour quatre ans», et celle de roi, «prince héréditaire et perpétuel».

Nixon n’eut pas d’autre choix que démissionner.

Il y a 50 ans, Richard Nixon avait cherché à entraver son procès en plaidant qu’il était, pendant quatre ans, un monarque aussi puissant que Louis XIV, et qu’il n’était donc pas assujetti aux tribunaux du pays mis à part la cour de l’impeachment. Si la Cour Suprême admit l’existence d’un «privilège exécutif», ceci ne pouvait protéger le président dans un cas criminel. Une fois que les bandes audio du Watergate furent révélées, et que l’opinion publique se tourna contre lui, Nixon n’eut pas d’autre choix que démissionner.

Aujourd’hui, tout porte à croire que les agissements de Donald Trump sont plus sérieux qu’en 1974, car ils impliquent des pays tiers ainsi qu’une partie du gouvernement. Or l’érosion actuelle de la confiance dans nos institutions, ce que Pierre Rosanvallon a appelé la «contre-démocratie», a donné à Trump, comme à d’autres élus populaires de Moscou à Manille, un dangereux sentiment d’impunité.

Détournant les médias traditionnels grâce aux réseaux sociaux ou à des chaînes achetées à leur cause, ils imposent cyniquement leur «vérité» et convainquent une partie de l’opinion publique d’accepter leurs crimes comme partie prenante du jeu politique. Mais même si quarante-cinq pour cent des Américains, et quasiment tous les sénateurs républicains au Congrès s’opposent encore à une procédure de destitution, la situation peut évoluer très rapidement.

Rappelons-le: aucun chef d’Etat n’est roi dans une république, et le pouvoir législatif, qui représente le peuple, a le devoir de juger, et de destituer si nécessaire, tout élu ayant commis un crime grave.

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