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Eclairage de Patrick Vincent: «Impossible ici? Les dérives autoritaires de 'la loi et l’ordre'»

«Le roman prémonitoire de Sinclair Lewis,'Impossible ici', doit nous avertir de ses conséquences», écrit Patrick Vincent, professeur à l’Université de Neuchâtel. Comme d’autres personnalités locales, nous l’invitons à s’exprimer régulièrement sur des sujets d’actualité.

02 sept. 2020, 17:00
Le président Donald Trump, à Kenosha, où des manifestations violentes se sont tenues après la mort de Jacob Blake.

«Dans l’histoire du monde il n’y a jamais eu un peuple aussi enclin à la dictature que le nôtre!» C’est ainsi qu’un journaliste américain, Dorémus Jessup, dépeint ses compatriotes quelques semaines avant l’élection présidentielle. Il explique que les Etats-Unis sont particulièrement sujets à l’irrationalisme, aux théories du complot et au culte de la personnalité. Cette prédisposition permettra à un candidat populiste plutôt bon enfant de remporter l’élection avec une plateforme prônant la primauté de la nation, les valeurs traditionnelles, un salaire universel et la persécution des Noirs et des Juifs. Très rapidement une dictature est instaurée. Jessup se bat d’abord à coups de chroniques, mais quand le débat d’idées demeure impuissant face à la propagande d’Etat, et la violence devient son seul moyen de résister.

Dorémus Jessup n’est pas un vrai personnage mais le héros d’un roman dystopique de Sinclair Lewis, «Impossible ici», rédigé en 1935, avec l’Allemagne et l’Italie fascistes en toile de fond. Quatre-vingts ans plus tard, suite à la première candidature de Donald Trump, le roman se classa de nouveau en tête des meilleures ventes avec 1984 de George Orwell.

Il explique que les Etats-Unis sont particulièrement sujets à l’irrationalisme, aux théories du complot et au culte de la personnalité.

Parmi les nombreux passages instructifs, on notera une scène où la milice tabasse des manifestants communistes à l’extérieur d’un stade où a lieu un rassemblement du candidat. Un sous-officier de la marine leur vient en aide, mais se fait lui-même rouer de coups. Ceci ressemble de manière troublante à une vidéo enregistrée à Portland le 18 juillet dernier, dans laquelle six agents fédéraux masqués frappent et aspergent de gaz lacrymogène un vétéran de la marine de 53 ans, Christopher David, pour avoir tenté de leur faire entendre raison.

Ce que le gouverneur de l’Oregon a appelé un «abus manifeste de pouvoir» est désormais en passe de se reproduire à travers les États-Unis. Donald Trump sème depuis quatre ans la discorde. La mort de George Floyd a déclenché un mouvement antiraciste de grande ampleur, ravivé la semaine dernière par le drame survenu à Kenosha. Pour le président, ces marches de protestation, commodément confondues par Fox News avec des émeutes, arrivent comme du pain béni. En retard dans les sondages par rapport à Joe Biden et complètement désarçonné face à la crise du Covid, il estime qu’il n’a plus qu’une seule carte à jouer pour se faire réélire, la «loi et l’ordre». Il a d’ailleurs tout misé là-dessus dans son discours d’investiture du 28 août, accusant le Parti démocrate de vouloir se ranger «du côté des anarchistes, des agitateurs, des émeutiers, des pilleurs et des brûleurs de drapeaux».

Le roman prémonitoire de Sinclair Lewis, comme la sombre histoire du siècle passé, doit nous avertir de ses conséquences.

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