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Eclairage d’Alaric Kohler: «Pourquoi (ne pas) déboulonner des statues»

Des universitaires nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Alaric Kohler, chercheur à la Haute Ecole pédagogique Bejune, demande si «on érige des statues pour se souvenir de l’histoire» ou pour d’autres raisons?

31 août 2020, 17:00
"Pourquoi érige-t-on des statues?", demande Alaric Kohler.

Avec les récents événements du mouvement Black Lives Matter, une prise de conscience a émergé dans les médias quant à des figures historiques ayant contribué au racisme, notamment à Neuchâtel.

Les arguments en faveur du retrait de la statue reposent sur le rétablissement d’une vérité désormais connue: non seulement il n’existe aucune race dans l’espèce humaine – c’est un concept utilisé pour les chiens, les chevaux et d’autres animaux domestiqués – mais surtout, cette théorie fumeuse a justifié et justifie encore nombre de crimes qui ne portent pas leur nom, pour le coup.

A l’opposé, les réticents craignent l’oubli de l’histoire, et considèrent parfois que supprimer une statue reviendrait à cacher ces crimes. D’aucuns, banalisant par là un terme réservé à autre chose, vont jusqu’à considérer qu’il s’agirait de révisionnisme: une manière habile et insidieuse de semer la confusion, puisque supprimer une statue n’implique aucun changement de croyance quant à l’existence du génocide des Juifs par les nazis au siècle dernier.

La statue n’est pas un monument au souvenir d’une personne, c’est un monument à la gloire de certaines valeurs

Érige-t-on des statues pour se souvenir de l’histoire? S’il en était ainsi, nos villes seraient couvertes de statues, les personnes dont il faut garder mémoire étant fort nombreuses, et les classes d’histoire prendraient place dans la rue. Mais nous avons désormais bien d’autres moyens pour préserver l’histoire et sa mémoire: les dictionnaires, les musées, Wikipédia, etc.

Non, ce qui justifie que David de Pury ait une statue – édifice fort coûteux! – alors qu’une infirmière qui s’est dévouée ces derniers mois au service de la population n’en a pas, c’est que les responsables politiques présidant à une telle décision ont décidé de communiquer leurs valeurs, de les mettre sur la place publique. La statue n’est pas un monument au souvenir d’une personne, c’est un monument à la gloire de certaines valeurs, que le personnage historique incarne.

Ainsi, la statue de David de Pury, érigée en reconnaissance pour la (petite) part de l’argent mal acquis qu’il a partagé avec la ville de Neuchâtel, est un monument qui adresse quotidiennement aux passants le message suivant: «Peu importent vos actes criminels et leurs conséquences, vous serez adulé.e tant que vous ramenez de l’argent au pays». Dès lors, la question qui se pose est la suivante: arborons-nous aujourd’hui ces mêmes valeurs, sur la place centrale de notre ville, ou en avons-nous d’autres?

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