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Eclairage: «Athlétisme et justice sportive: beurk!»

Des universitaires nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, André Kuhn, criminologue et professeur de droit pénal à l’Université de Neuchâtel, revient sur le jugement du Tribunal du sport envers l’athlète sud-africaine Caster Semenya.

08 mai 2019, 15:00
L'athlète sud-africaine Caster Semenya devra limiter son taux de testostérone.

Il y a quelques jours (le 1er mai 2019) le Tribunal arbitral du sport (TAS) rejetait le recours de Madame Caster Semenya, athlète féminine hyperandrogène – c’est-à-dire avec un taux de testostérone naturellement très élevé – contre un règlement de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) visant à obliger les athlètes souffrant de ce «mal» à limiter médicalement leur niveau de testostérone.

Parmi les arguments avancés, le TAS nous dit que certes le règlement en question est discriminatoire envers certaines femmes, mais qu’une telle discrimination constitue un moyen nécessaire pour préserver l’intégrité de l’athlétisme féminin.

C’est répugnant! Et l’ancien sportif d’élite et actuel juriste et criminologue que je suis ne trouve pas de mot plus adapté à l’immensité du dégoût ressenti face à une telle argumentation.

Dégoût d’une part parce que les plus hautes instances judiciaires sportives admettent implicitement que la discrimination est justifiable et même parfois nécessaire. Madame Semenya, née en 1991, année de la chute du régime de l’apartheid dans son pays, ne pensait certainement pas voir renaître des arguments similaires à ceux dont ses parents ont probablement souffert avant sa naissance.

Belle leçon d’éthique dont le monde du sport devrait prendre de la graine.

Dégoût d’autre part parce que l’argumentation du TAS relève de la malhonnêteté intellectuelle la plus crasse. En effet, personne n’est dupe, chacun sait que le sport est la célébration de la différence, de l’inégalité entre les êtres humains; les plus forts – soit les personnes génétiquement différentes de la moyenne – sont adulés pour leurs performances hors normes. Mais tout à coup, lorsque la différence est trop grande, elle devient inadmissible…

Dégoût finalement parce que ce qui est demandé à Madame Semenya, c’est de se «doper» pour faire baisser son taux de testostérone… L’Association médicale mondiale (AMM) ne s’y est d’ailleurs pas trompée en déclarant contraire à l’éthique des médecins de prescrire un traitement non basé sur des besoins médicaux visant à réduire la testostérone et en recommandant dès lors aux médecins de refuser d’appliquer le règlement de l’IAAF. Belle leçon d’éthique dont le monde du sport devrait prendre de la graine.

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