La Chaux-de-Fonds, le 23 mai 2020
Chères aînées, chers aînés,
Il était une fois un jeune énergumène qui recherchait la lettre qui rapproche. Un mal énervant avait aliéné tant de libertés que, peiné, il avait ressenti, tel un héros de «L’Énéide», la nécessité de se mettre en chemin.
Il longea d’abord l’Aisne et la Seine, puis gravit les névés des Pyrénées – l’occasion d’étrenner son cache-nez de laine écrue. Parrainé par Hermès, tantôt déchaîné, tantôt rasséréné, il pénétra ensuite des pays veinés de rivières, d’autres gangrenés par la haine et la peur.
De la Méditerranée jusqu’à Modène et Pise, du Tennessee au Venezuela, du Sénégal au frais Népal, il traversa plaines et vallées. Il apprivoisa les néons des cités comme les nénuphars des territoires abandonnés. Il dormit dans des cavités gardiennées par des araignées, se fit morigéner par des fées fainéantes, reçut, gêné, la bénédiction de sirènes évanescentes.
Néanmoins, il n’était pas assez entraîné, pas gainé pour une quête aussi effrénée. Point à l’aine et nez engorgé, il aurait pu baisser les bras. Or il sut écouter son cœur autant que son corps. Refréner ses ardeurs, mesurer son énergie, freiner, voilà le secret. Se ménager.
Ainsi poursuivit-il son tour des mondanités, goûtant aux récits exquis et calembredaines extrêmes assenés par ceux qui tentaient de l’aider à renverser le sens de sénescence.
Mais l’affaire était plus simple qu’il y paraissait et les semaines écoulées enfantèrent une étonnante révélation. La vérité était à portée de nez.
Il n’y avait en effet qu’un pas pour passer d’une lettre à l’être, un jambage à poser. Et voilà pourquoi depuis ce jour-là, on vous écrit chères aimées, chers aimés…
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Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11 heures à 11 h 30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «La Côte» et le mensuel «Générations».