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Nicolas Feuz écrit à nos aînés

Chaque jour, «ArcInfo», ses partenaires médias et les EMS proposent une lettre adressée aux personnes les plus concernées par le Covid-19. Aujourd’hui, l’écrivain et procureur neuchâtelois Nicolas Feuz conte une histoire à nos aînés.

15 mai 2020, 05:30
lettres-aines-NicolasFeuz

Cortaillod, 15 mai 2020

Chères aînées et chers aînés,

Vous avez peur? C’est normal, nous avons tous peur. Seul le menteur n’a pas peur. La peur fait partie de la vie, elle est source de fantasmes et elle fascine. Sans la peur, pas de plaisir, ni de joie. La peur exacerbe notre bonheur de vivre. Alors, laissez-moi vous conter une histoire.

Marguerite, Maurice, Marcelle et Valentin vivaient paisiblement dans un EMS. Ils recevaient de plus en plus rarement la visite d’un proche et le plus souvent en coup de vent. Une maladie rongeait la société depuis des années: le stress. Les agendas débordaient de rendez-vous souvent futiles et le tout électronique laissait encore moins de temps aux relations humaines. Alors, les quatre aînés s’étaient réinventé un monde, entre jeux de société et tasses de thé le jour, jeux de rôles et verres de vin en cachette le soir. Un jour, un petit nouveau s’invita à leur table, leur parla d’un étrange tunnel qui partait du sous-sol et leur proposa de le découvrir.

- Nous n’avons pas le droit d’y aller, dit Marcelle inquiète.
- Qui le saura?

Hésitants, les quatre aînés le suivirent. Une porte réservée au personnel, un escalier descendant dans la pénombre, un couloir obscur avec de la tuyauterie rouillée, des gouttes d’eau s’en échappant et tombant sur le sol en résonnant. Plus ils avançaient dans le sous-sol, plus il faisait froid, plus les murs décrépis s’effaçaient pour laisser place au néant. Le tunnel était là, Marguerite suivit le petit nouveau, les trois autres s’arrêtèrent en voyant une intense lumière à l’autre bout.

- Nous n’irons pas plus loin, dit Valentin.
- Qui es-tu, demanda Maurice au petit nouveau?
- Je m’appelle Covid.
- Nom ridicule! C’est la mort au bout du tunnel, nous ne te suivrons pas.

Il rattrapa Marguerite et tous les quatre remontèrent dans une chambre. Covid les suivit, déçu. Valentin servit une tournée de blanc.

- Nous avons entendu parler de toi, Covid. On dit que tu as fait pas mal de dégâts à l’extérieur, mais tu n’en feras pas ici. Tu es le petit nouveau, nous sommes les grands anciens. Ici, Covid ne gagne pas contre Goliath. Et comme dirait mon copain Fornelli, verre vide je te plains, verre plein je te Covid.
- Nous te devons une chose, dit Marcelle. Depuis que tu es là, nos proches se soucient un peu plus de nous. Ils aimeraient nous voir et, pour une fois, ils ont l’air sincère et inquiet pour nous.
- Alors, conclut Marguerite, nous n’allons pas te suivre dans la mort, c’est toi qui devra apprendre à vivre avec nous.

Et ils trinquèrent.






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Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11 heures à 11 h 30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «La Côte» et le mensuel «Générations».

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