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Le directeur de la Cinémathèque suisse Frédéric Maire écrit à nos aînés

Chaque jour, «ArcInfo», ses partenaires médias et les EMS proposent une lettre adressée aux personnes les plus concernées par le Covid-19. Aujourd’hui, le journaliste, réalisateur et directeur de la Cinémathèque suisse Frédéric Maire écrit à sa tante Odette.

28 mars 2020, 05:30
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Corcelles, le 28 mars 2020

Chère tante Odette,

J’ai toujours eu beaucoup de respect pour nos aînés. Il m’a toujours semblé que, à partir d’un certain âge, tout être humain avait pour mission de transmettre son savoir, ses connaissances, ses passions, ses histoires, aux générations suivantes.

Durant mon enfance, toi, tu n’étais pas encore à la retraite. Tu travaillais au Château, pour l’administration cantonale, et grâce à toi j’avais pu visiter, le cœur battant, cette impressionnante forteresse moyenâgeuse. À l’époque, je n’avais que trois aînées dans mon entourage, toutes disparues depuis. Et curieusement, les souvenirs les plus vivaces que j’en ai aujourd’hui sont liés à la cuisine.

Si je sais à peu près faire les gnocchis de pomme de terre à la main, c’est à travers l’exemple de ma grand-mère italienne. Si j’ai découvert les secrets du guêlon de la tarte aux pommes, c’est grâce à ma grand-tante neuchâteloise. Et si j’ai appris à faire des bricelets, c’est avec ma tante Jeanne, une tante adoptive qui vivait dans un chalet aux Diablerets, entourée de ses fleurs, de ses chats et de son chien.

Les récits de leurs vies et les histoires qu’elles ont inventées quand j’étais enfant ont nourri toute mon existence. Je me souviens quand Tantine nous racontait, à toi et à moi, ses premières expériences à ski avec des pantalons, du côté de la Vue-des-Alpes. Une femme en pantalons, pour l’époque, c’était la révolution! 

C’est peut-être pour cela que, petit à petit, j’ai commencé à me passionner pour le cinéma. Après leurs décès, j’étais en manque d’histoires… Et je les ai trouvées dans les films. Aujourd’hui, à la Cinémathèque suisse, je vis et travaille avec la mémoire audiovisuelle des histoires de la Suisse et des Suisses, avec ces images qui nous montrent comment on vivait dans les années 1910, 20, 30 et suivantes, celles qui sont forcément dans tes souvenirs et qui sont passées, grâce à toi, grâce à elles, dans les miens. Des souvenirs qui nous permettent, à tous, de mieux comprendre le monde contemporain, et de mieux appréhender ces jours-ci cet «état de guerre» qu’évoquent certains, et qu’elles, elles ont vécu.

Aujourd’hui, ce lien nous est enlevé pour vous protéger de ce méchant virus, toi et tous nos aînés. Cela ne durera qu’un temps, trop long certainement, mais qui prendra fin un jour. Et alors, vous verrez combien les plus jeunes d’entre nous se rendront compte à quel point vous leur avez manqué. Car sans vous, sans ce lien avec le passé, nous perdons peu à peu les fondements de notre existence.

Je pense à toi.

Frédéric

A lire aussi: toutes les «Lettres à nos aînés»

Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11h à 11h30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «La Côte» et le mensuel «Générations».

En savoir plus: des lettres à écouter dans l’émission «Porte-plume»

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