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«Dans leurs yeux, je lis de l’angoisse, de la tristesse»: la chronique d’une enseignante neuchâteloise

Enseignante en 3e Harmos à Neuchâtel, Myriam Facchinetti a retrouvé ses élèves en classe depuis une semaine.

18 mai 2020, 16:00
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Les retrouvailles ont eu lieu. Beaucoup d’impatience et de joie, au moment où je les ai vus s’agglutiner au point de rendez-vous que je leur avais donné dans la cour, ce lundi 11 mai à 8h20.

Ils ont changé. Ils ont grandi, mûri. Ça fait du bien de les retrouver!

Cette reprise en demi-classe est un moment très particulier. J’ai marqué le sol pour qu’ils apprennent la distance sociale. Docilement, ils prennent place sur ces petites lignes et attendent leur tour pour entrer dans leur classe. On passe plus de 10 minutes au lavage des mains de chacun, hygiène oblige. Ils s’asseyent un par un à leur nouvelle place, leur petite bulle. Ils sont calmes. Étonnamment calmes. Je les regarde avec émotion.

Instant tant attendu

Quelques secondes de silence, debout devant eux: nous y sommes. L’instant tant attendu est comme solennel, empreint d’émotion, de tendresse. Ils sont là. Enfin!

Nous nous sourions, nous nous regardons. «Tu as changé, maîtresse!» Ah oui, quelques kilos se sont installés, la maîtresse a les joues un peu plus rondes qu’il y a deux mois.

Je sonde leurs regards, j’essaye d’y puiser l’indicible, ce qu’ils ont rapporté avec eux, leur souffrance, leur joie. Ils sont dix, devant moi. Et je sens, sans qu’ils n’aient encore ouvert la bouche, qu’ils sont marqués, traumatisés tels des otages qui retrouvent la liberté.

Pas les mêmes

Dans leurs yeux, je lis de l’angoisse, de la tristesse. Ils ont eu peur. Ils ont eu mal. Ça se voit. Certains ne peuvent cacher leur motivation, leur joie de se retrouver là. Ceux-là ont probablement réussi à trouver en eux une ressource qu’ils ne soupçonnaient pas. Aucun d’eux n’est le même qu’il y a 8 semaines. Chacun est bouleversé.

On parle beaucoup, ce matin-là (on parlera également avec l’autre demi-groupe, l’après-midi). Je les laisse s’exprimer, parler de ce qu’ils ont aimé, de ce qui a été difficile, et de ce qui les a aidés durant ce confinement. «L’école m’a trop manqué… mais heureusement que tu nous envoyais des vidéos, maîtresse!» «J’avais pas envie de travailler…». «J’aimais tellement me lever tard le matin. Ce matin c’était vraiment dur de se réveiller…»

«Trop cool»

Ces quelques jours par petits groupes ont été comme une bulle d’oxygène dans la scolarité de mes élèves. «On devrait toujours travailler comme ça, c’est trop cool que tu puisses t’occuper bien de nous!»

Eh oui… pendant huit demi-journées, j’ai eu du temps pour chacun d’eux, pour les accompagner, pour les aider à reprendre pied. Si seulement nous pouvions prendre ainsi notre temps jusqu’au 4 juillet…

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