Chers aînés,
J’ai à peine trente ans. La chance d’avoir une bonne santé. La joie de vivre. Cette arrogance d’espérer que ma jeunesse pourrait être éternelle. J’ai à peine trente ans, mais l’honneur d’avoir connu mes quatre grands-parents, et même une de mes arrière-grands-mamans. Tous ont laissé, dans mon esprit, des images indélébiles. Aujourd’hui, j’ai envie de les partager avec vous. Pour vous dire que nous, vos descendants, nous ne vous oublions pas.
J’ai toujours l’odeur du gâteau aux pommes de mon arrière-grand-maman dans les narines. Elle y mettait des tonnes de cannelle. Un pur délice. Les pommes me ramènent dans son jardin, à Cheyres. Entourant son chalet, qui me donnait toujours l’impression d’être un lieu de vacances, il y avait de nombreux arbres fruitiers. J’adorais piquer les raisinets, les groseilles. Je me régalais.
J’ai toujours aimé la nature, surtout l’eau. Avec mes grands-parents, qui vivent toujours dans leur maison de Marin, on allait souvent donner du pain aux canards. Parfois, j’en mangeais un bout. Ce n’était pas terrible! Je préférais largement le rôti de mon grand-papa, qu’il continue aujourd’hui de préparer dans la cheminée. Un vrai régal. Chez eux aussi, il y a des arbres fruitiers. Beaucoup moins que lorsque j’étais petite, mais le majestueux cerisier tient le coup. J’ai toujours les chocottes quand je vois mon grand-père de 83 ans grimper sur son échelle en bois avec ses pantoufles. Quelle idée…
Dans le genre infatigable, il y a aussi ma grand-maman de Valangin. A 92 ans, elle me dit qu’elle a de la peine à marcher. Mais, la seconde d’après, elle raconte s’être promenée pendant plus de trente minutes. C’est beaucoup plus que moi en ces temps de confinement! Elle a pris l’avion pour la première fois vers l’âge de 70 ans. Environ 10 ans plus tard, elle venait avec mes parents et moi aux Maldives et découvrait le monde sous-marin avec son masque. Le tuba, c’était trop compliqué. Elle préférait couper sa respiration, pendant que nous la tirions gentiment sous l’eau. Elle ne sait pas nager.
Son mari, lui, était beaucoup moins aventurier. Et pas toujours facile à vivre. Mais on s’adorait. Je n’oublierai jamais la sieste après le repas de midi. On regardait «Tom et Jerry», ça le faisait rire. Puis il s’endormait.
Me plonger dans ces souvenirs me fait sourire. Et couler quelques larmes. Parce que je ne peux plus serrer mes grands-parents dans mes bras. Ils ne sont plus là, ou le coronavirus m’en empêche. Je promets de me rattraper. Et vous, chers aînés: je vous embrasse!
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Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11h à 11h30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «La Côte» et le mensuel «Générations».
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