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Anne Bisang, directrice artistique du TPR, écrit à nos aînés

Chaque jour, «ArcInfo», ses partenaires médias et les EMS proposent une lettre adressée aux personnes les plus concernées par le Covid-19. Aujourd’hui, la directrice artistique du TPR Anne Bisang les invite au voyage intérieur.

27 mars 2020, 05:30
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La Chaux-de-Fonds, 26 mars 2020

Chère Madame, cher Monsieur,

Je ne connais pas vos visages mais je les devine.

Je ne connais pas vos prénoms mais je les invente: Jacqueline, Inès, Martha, Angela, Giovanni, Hans, Robert, Louis…

D’ici, de l’autre côté des portes fermées de votre établissement médico-social qui vous privent de visites précieuses, on vous nomme pudiquement «nos aîné.e.s». Je ne peux me résoudre à vous définir simplement ainsi car j’imagine à cet instant la couleur de vos yeux et l’intensité de vos regards. Vous êtes un.e et multiples.

Parmi vous, des mères, des pères, des tantes, des oncles, parrains, marraines, mais aussi des hommes et des femmes sans enfants qui, toutes et tous, ont aimé des hommes, des femmes ou des personnes du même sexe. Je m’adresse à vous aujourd’hui dans vos singularités et j’aimerais vous inviter, vous qui avez traversé le temps, à prendre soin de vos jardins secrets. Ces espaces intérieurs et infinis.

En cette période de confinement, chacun fait l’expérience de la privation de liberté.

Cette expérience nous sépare les uns des autres et paradoxalement, nous réunit aussi dans de mêmes circonstances, inédites et dramatiques. Il serait hâtif de prétendre que nous sommes tous logés à la même enseigne tant les conditions de vie diffèrent. On l’observe d’ailleurs, cette situation révèle plus que jamais les inégalités qui rongent nos sociétés. Mais c’est une réalité, les portes de nos auberges respectives sont momentanément bouclées.

Que retiendront les conteurs et les conteuses de cette page d’histoire, de cet «il était une fois» contemporain qui frappe l’humanité en 2020? Leur récit, finira-t-il sur une note d’espérance suggérant que l’humanité aura pris conscience de sa fragilité, choisissant désormais le vivant plutôt que l’accumulation des biens?

Ce conte dira-t-il le déchirement de la séparation et le bonheur simple et essentiel de se retrouver?

Une amie a posté un joli message sur les réseaux sociaux. On y voit le dessin d’une personne en position de méditation avec ce commentaire en anglais: «If you can’t go outside, go inside».

Quand on ne peut pas sortir, entrons en nous-mêmes, explorons nos jardins intérieurs. L’espace intérieur est infini, peuplé de souvenirs heureux et de territoires indomptés. L’imaginaire peut tout. Les rêves et la fiction sont la source intarissable de notre humanité. Pendant ces jours étranges qui interdisent de nous toucher pour nous transmettre confiance et soutien, tenez, essayons quelque chose, les yeux fermés: je vous tends la main et vous la prenez. Un, deux, trois, quatre…cinq, six, sept (silence).

Merci.

Anne Bisang

A lire aussi: toutes les «Lettres à nos aînés»

Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11h à 11h30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «La Côte» et le mensuel «Générations».

En savoir plus : des lettres à écouter dans l'émission "Porte-plume"

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