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La journaliste Agnès Wuthrich écrit aux aînés

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette pandémie, avec les conséquences imprévues qu’elle entraîne, est peut-être en train de rapprocher les générations. La lettre d’Agnès Wuthrich à sa grand-mère, à sa mère et à toutes les personnes âgées.

07 avr. 2020, 05:30
lettres-aines-AgnèsWuthrich

Genève, le 7 avril 2020

Chèr(e) vous,

Au moment de vous écrire cette lettre, évidemment, c’est à vous que je pense d’abord.

A vous, qui vous êtes retrouvés confinés – pour utiliser un mot très à la mode depuis quelques semaines – confinés dans votre appartement ou votre foyer. Privés d’une grande partie de ce qui doit faire la joie d’un retraité. Les sorties d’abord, sans parler d’excursions ou de voyages, les amis et la famille. Et ces balades que peut-être vous n’osez même plus faire – de peur du regard désapprobateur des gens.

Mais je pense aussi à ma grand-mère qui, à nonante ans, ne laissait pas passer une journée sans son verre de rouge et sa sortie au grand air, pour qui les visites de ses petits-enfants étaient une telle fête. Je pense à la grand-mère de mes enfants – une femme active – grande voyageuse, toujours occupée – cantonnée désormais à son appartement.

Je pense à tout cela: à tous ces petits bonheurs perdus, à ce que cette histoire de virus nous a pris – vous a pris à vous, en particulier. Et ça me rend triste.

Et puis je pense à tous ces gens – et ils sont nombreux – qui se mobilisent. A ma fille par exemple qui, à 14 ans, n’a pas hésité à proposer ses services aux voisins de l’immeuble et qui, chaque jour, délaisse devoirs, séries et réseaux sociaux pour aller livrer les uns et les autres. J’entends et je vois aussi la reconnaissance émue de ces personnes – leur surprise presque face à cet acte de solidarité.

Je pense à tous ces grands-parents qui, avec plus ou moins de conviction, apprennent à utiliser ordinateurs et autres tablettes différemment – pour le simple plaisir de communiquer avec leurs proches. A leurs petits-enfants de l’autre côté de l’écran – qui s’inquiètent pour eux et leur prodiguent conseils de prudence et de sécurité – comme si les rôles étaient tout à coup inversés.

Je pense à ces rendez-vous téléphoniques et vidéos, à ces échanges désormais programmés mais où il se passe tant de choses. Où on se dit tant de choses que peut-être on ne se disait plus.

Courage. Fais attention à toi. Tu me manques. Je t’aime.

Surtout je pense à nous tous – vos familles, vos voisins, vos concitoyens. Je pense à ce que nous sommes en train d’accomplir. Je pense à tous ces gens qui, eux aussi, sont confinés chez eux, à ceux qui ont dû fermer leur commerce. A tous ces spectacles annulés, ces rendez-vous manqués, ces soirées au bistrot qui n’auront pas lieu, ces matches et autres séances de sport déprogrammées. A toutes ces occupations essentielles – tous ces petits plaisirs aussi qui faisaient notre vie et à laquelle nous avons renoncé. Pour nous protéger nous, bien sûr, et nos proches. Pour épargner le système de santé aussi, parce qu’on nous l’a dit. Mais d’abord pour vous protéger vous, les plus vulnérables face à l’épidémie.

Et donc je pense à ces moments partagés, à ces mots échangés. Je pense à cette solidarité. Et je me demande si finalement cette histoire de fous – contrairement à ce qu’on pourrait croire – ne serait pas en train de nous rapprocher de vous.

Et tout à coup je suis moins triste.

Et à mon tour, j’ai envie de vous le dire.

C’est sûr, vous nous manquez. Et on vous aime.

Alors courage. Et faites attention à vous.

 

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