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L’horlogerie à la traîne de l'industrie du luxe?

Pendant des décennies, l'industrie horlogère a confié ses montres à des réseaux mondiaux de détaillants et d'intermédiaires. Désormais, les réseaux sociaux amènent les clients aux portes des marques. Et ils ont un avis à donner.

23 mars 2018, 19:46
Maria Bashutkina, adjointe scientifique à l'Institut du marketing horloger de la HE-Arc, et Francois Courvoisier, doyen de l'Institut, en visite d'observation à Baselworld.

Baselworld, halle 1, entrée du temple éphémère de l’horlogerie suisse. Là où les plus grandes marques bâtissent, pour une semaine, de véritables immeubles, où elles dévoilent leurs produits.

Les visiteurs accèdent de plain-pied aux vitrines d’exposition. Salles de réunion, bureaux et lieux de détente sont aux étages supérieurs, dont l’accès est barré par des cerbères aux allures de gravure de mode.

C’est entre les maisons Bulgari et TAG Heuer que nous rencontrons Maria Bashutkina. Adjointe scientifique à l’Institut du marketing horloger de la HE-Arc, à Neuchâtel, elle réalise des recherches en vue d’une thèse de doctorat. Elle est rejointe par François Courvoisier, doyen de l’institut.
Nous leur demandons de visiter le salon avec nous.

Dès le départ, la spécialiste note de petits changements. «Bulgari a légèrement revu son stand et TAG Heuer n’affiche plus ses ambassadeurs sur sa façade.» Ceux-ci n’ont pas disparu pour autant: sur les écrans géants plaqués aux murs, monstres de la Formule1 et du football se succèdent. «Beaucoup de marques ont dynamisé leurs vitrines.» Mais dans l’ensemble, la communication ne semble avoir subi que de petits changements cosmétiques. «Je n’ai vu aucune révolution dans le discours des marques», ajoutera Maria Bashutkina, pourtant enthousiasmée par sa visite, à la sortie: «J’ai vu beaucoup de montres vraiment magnifiques!»

Etre sur Instagram ne suffit pas

Les horlogers ont investi Facebook et Instagram. N’ont-ils pas embrassé la révolution numérique? La chercheuse relativise: «Certains ont réussi de belles percées sur le web.» Elle rappelle le cas d’Omega qui a écoulé de nombreuses pièces lors d’événements orchestrés sur Instagram. «Mais ces démarches ne donnent pas souvent lieu à de vraies interactions. Les marques s’en servent pour informer, peu pour engager la conversation», regrette Maria Bashutkina. «Les jeunes participent, discutent au sujet des nouveautés, critiquent: ils s’attendent à être entendus. Mais la plupart des marques sont frileuses face à ce processus de co-création.»

Photo Lucas Vuitel

Pour François Courvoisier, cette retenue s’explique: «L’industrie ne peut pas personnaliser ses produits facilement. Les séries limitées perturbent le processus industriel.»

Changer Baselworld?

Pour Maria Bashutkina, «l’horlogerie est en retard par rapport aux autres domaines du luxe», mais reste une affaire qui roule. «Son succès est énorme, et c’est aussi grâce au marketing. La branche peut encore capitaliser sur ses succès, en expliquant ce qui se trouve dans une montre.» Et il y a de quoi faire, pour cette passionnée qui porte une montre mécanique à grande complication:«Pour moi, c’est de l’art. Je porte quelque chose de très réfléchi. Mécanique, art, décoration, ce qui fait la valeur de l’objet, c’est ce qui se passe à l’intérieur. Certains consommateurs ne voient que l’image du produit, et portent des montres à quartz. Les marques devraient limiter le quartz à des utilisations vraiment spécifiques, comme la précision, ou pour les cas où la joaillerie exigerait une taille de mouvement réduite.»

L’enjeu, pour les marques, c’est «se rapprocher du client final», dit Maria Bashutkina. Comment voit-elle, à cet égard, la réduction de la taille du salon?

«Certains se rendent désormais dans des événements régionaux pour se rapprocher des consommateurs, dans de grandes villes multiculturelles où tout le monde passe. Il s’agit souvent d’événements réduits, dans lesquelles de vraies interactions avec les clients sont facilitées. Historiquement destiné aux affaires, Baselworld pourrait avoir son avenir dans un événement plus ouvert sur le public et, en effet, réduit. «Ces nouveautés dans la relation client viennent des Etats-Unis. Ce n’est peut-être pas un hasard si, parmi ceux qui désertent Bâle, figurent presque toutes les marques américaines», conclut la chercheuse.

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