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La vision orchestrale d'Ahmad Jamal improvisateur sage, agité et curieux

Ahmad Jamal, légende du piano, a reçu une déclaration d'amour du Cully Jazz Festival. Rencontre avec un musicien qui inspira Miles Davis. Il habite une chambre sous le patronage de Marc Chagall, à l'hôtel du Raisin de Cully. Ahmad Jamal ne se tient jamais loin des anges. A onze ans, il jouait Franz Liszt. A 78 ans, sa ballade «Papillon» convoque l'éternité avec un sourire coquin. Le festival vaudois a intitulé sa soirée d'avant-hier «We Love Ahmad», une déclaration enflammée partagée jadis par Miles Davis qui le considérait comme son inspirateur, le critique Alain Gerber allant même jusqu'à titrer «Le sans égal d'Ahmad Jamal». Frederik Russel Jones doit son nouveau patronyme à sa conversion à l'islam, mais reste discret sur la spiritualité de sa musique. «Je préfère le mot discipline. Un enfant ne peut pas apprendre la musique si tu parles tout le temps. La liberté absolue n'existe pas. Quand tu roules, tu dois t'arrêter aux stops. Même pour bien cuisiner, il faut accepter les règles.»

09 avr. 2008, 12:00

L'aura d'Ahmad Jamal, le mystère, l'incroyable longévité tiennent aussi dans sa croyance indéfectible dans le trio piano-contrebasse-batterie. «Ce n'est pas un trio, mais déjà un orchestre. Mes pièces pourraient être interprétées par soixante musiciens, le violon de Joe Kennedy m'amène souvent une nouvelle dimension.» Certains ne jurent que par sa formation des années 1950 avec Israel Crosby et Vernell Fournier. Révolution de l'épopée du jazz. Mais le trio qu'il forme depuis plus de vingt ans avec Idris Muhammad et James Cammack ne peut laisser indifférent. Un son de groupe, sensible à chaque frémissement: «Pour que la musique devienne paisible il faut rester longtemps ensemble. Le guitariste Freddy Green a fait toute sa carrière avec Count Basie, le contrebassiste Ray Brown aiguillait si bien Oscar Peterson.»

L'invention du trio que l'on doit à... «Cole. Nat a tout inventé. Beaucoup de personnes l'imitent aujourd'hui, cela prouve que le ressort ne se casse pas. Diana Krall est sans doute la plus élégante, nous avons joué ensemble.»

Son dernier disque, «It's Magic», semble synthétiser plus de 50 ans de recherches musicales. Tout est là, cette main gauche vagabonde faussement charleston, décalage rythmique, clin d'?il à Stevie Wonder, improvisations, lyrisme en hommage à Maurice Ravel. Contemplation et extrême tension voisinent avec une dynamique si bien installée. Ritournelles lancinantes de «Dynamo» et «Fithnah». Compositions personnelles pour débuter et clore, entourées de deux standards, dont un de Jerome Kern et Dorothy Fields. Histoire de la musique bleue, de ses envolées, de sa retenue proche du silence. Et un percussionniste, Manolo Badrena, nouveau membre, un ancien du mythique groupe Weather Report: «Je jouais avec lui avant eux. Dizzy Gillespie et moi avons toujours employé des percussionnistes.»

Dans sa chambre, un clavier et un casque d'écoute scindent l'espace: «Je ne le toucherai probablement pas, mais au cas où l'envie me prendrait au milieu de la nuit.» A Toulouse, en marchant cinq minutes dans la ville, est né le thème éponyme. Sa curiosité le pousse aussi à convaincre tout le monde d'écouter la jeune pianiste Hiromi Uehara. / ACA

«It?s Magic», Ahmad Jamal, Deryfus Jazz, distr. Disque Office, 2008
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