Indissociables de certaines villes d'Asie, les tuk-tuk chargés de touristes prospèrent depuis deux ans à Paris. Ce commerce florissant est toutefois dans le viseur de la police.
Ces engins motorisés à trois roues, constitué d'un avant de scooter prolongé par une carriole recouverte d'une capote, prolifèrent au pied des monuments de la Ville Lumière, de la Tour Eiffel à la place de la Concorde.
Alors qu'ils étaient une dizaine lors de leur apparition en 2011 dans la capitale française, le nombre de ces engins multicolores au look rétro, venus de Thaïlande, a été multiplié par cinq selon la police. Celle-ci a renforcé les contrôles depuis le début de l'été.
"C'est le chômage partout, on a trouvé une activité qui plaît aux touristes, mais on est harcelé par la police, alors qu'elle sait très bien qu'il y a un flou juridique", rouspète un des chauffeurs de tuk-tuk.
Ce n'est pas la première fois cet été que cet homme de 29 ans est contrôlé. Déclaration à l'administration du travail, signalétique, entretien, assurance, visite médicale, tout est en règle, selon Nino, un policier qui vient de contrôler plusieurs de ces petits véhicules.
Charger à la volée
Mais la préfecture de police de Paris estime que les tuk-tuk n'ont pas le droit de chercher le client sur la voie publique. "Ces tuk-tuk sont en infraction parce que le véhicule n'est pas réservé", par téléphone ou par Internet, explique Nino, policier des "Boers", l'autre nom de la police des taxis.
En France, seuls les taxis officiels sont autorisés à stationner sur la voie publique pour charger des clients à la volée. Et ils voient d'un mauvais oeil cette nouvelle concurrence, comme celle des moto-taxis et vélo-taxis.
Ambiguïté juridique
Le cadre réglementaire n'est "pas facile à appliquer", reconnaît le major Bernard Baulard, patron des Boers. La faute notamment à une ambiguïté juridique: un simple permis voiture suffit pour conduire un trois-roues à moteur. Mais il faut être titulaire d'un permis moto pour obtenir la carte professionnelle du transport de personnes à deux ou trois roues, comme pour les motos-taxis.
Une brèche juridique dans laquelle s'engouffrent les chauffeurs de tuk-tuk pour revendiquer un bout de bitume. Sofiene qui rêvait d'être à son compte, a acheté son tuk-tuk 9000 euros (11'100 francs). Il lui rapporte entre 90 et 110 euros par jour... moins les contraventions les jours de malchance, lesquelles coûtent de 35 à 135 euros.
Quartiers pittoresques
"Pourquoi je ne profiterais pas comme d'autres du Triangle d'or (quartier luxueux et touristique autour des Champs-Elysées, ndlr)?", sourit cet ancien maître d'hôtel.
"On veut être mis au même rang que les bus touristiques à deux étages qui balafrent le paysage, que les bateaux mouches, les petits trains", regrette Benjamin Maarek, gérant de la société Allo tuktuk. "Le droit à l'emplacement, c'est le droit de travailler."
Faute de pouvoir charger le client sur la voie publique, la société mise sur les "tours commentés" en tuk-tuk électriques visant des touristes en quête du "vrai Paris", celui du marché d'Aligre ou de la Butte aux Cailles, deux quartiers pittoresques de Paris.
Visiter sans se fatiguer
Eux aussi ont vu leur nombre exploser: en plus des tuk-tuk, environ 150 à 200 vélo-taxis sillonnent la capitale pour des courses de 5 à 15 euros.
"On voit les monuments défiler lentement", affirme Ibrahim. "C'est super pour visiter Paris sans se fatiguer", renchérit son amie Nazneen. Ces deux touristes indiens sont ravis de leur balade à l'arrière d'un tricycle qui les dépose devant le Louvre.