La Caravane musicale du nouveau Conservatoire neuchâtelois parcourt le canton depuis novembre dernier. Elle s'est arrêtée vendredi au temple du Locle, samedi au temple de Môtiers.
Un ensemble vocal composé d'étudiants professionnels neuchâtelois et genevois, de quelques choristes issus de divers groupes du lieu, ainsi qu'une formation instrumentale ad hoc, dirigés par Nicolas Farine, ont interprété dans sa magnificence la «Messe en mi mineur» d'Anton Bruckner. Une révélation. D'autant plus grande que l'ouvrage, créé en plein dix-neuvième siècle, apparaît sorti d'une époque dont le compositeur semble n'avoir fait partie que par le hasard de sa naissance. La Messe - comme les Motets «Locus iste» et «Ave Maria» qui ont précédé son exécution - est plus proche des maîtres de la Renaissance que du style généralement issu du romantisme. L'apport des cuivres, des trombones, des bois, accentue encore la parenté frappante avec l'art de la Renaissance. Une époque que Bruckner ressuscite d'une manière hautement personnelle.
Bruckner, ce solitaire, écrivait à Dieu pour faire entendre au Ciel cette vie tragique qui l'avait fait orphelin à l'âge de treize ans. Sur le Kyrie, le Gloria, le Credo - ces deux séquences précédées de l'introduction grégorienne - passent les mots de pureté, de candeur. Les cuivres soutiennent les voix graves dans «Et homo factus est», le basson annonce le «Resurexit»
D'autres mots, amour, foi majesté, ainsi que la tonalité de mi mineur, incandescente et mystérieuse comme sortie du silence, passent sur le Sanctus, Benedictus, sur l'Agnus Dei.
Le rapprochement, visionnaire il y a peu encore, des classes professionnelles neuchâteloises et genevoises porte déjà de beaux fruits. René Michon, directeur des classes professionnelles du Conservatoire neuchâtelois, a évoqué cette relation au début du concert.
Ce brassage d'éléments vocaux et instrumentaux, auxquels ont été associés quelques professeurs, a été conduit par Nicolas Farine vers un très haut niveau artistique.