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Pointe sèche et humour surréaliste pour se faire dorloter en cabine

Dans «Ma maman gambade fébrilement dans une cabine téléphonique», la Jurassienne Patricia Crelier réinvente poétiquement le livre pour enfants. Elle crée Raoul et une voisine qui promène des escargots. Les livres pour la jeunesse nous effraient souvent par leur ton moralisateur. Alors la fourmi très graphique, qui se tortille en couverture du dernier ouvrage de la Jurassienne Patricia Crelier, nous comble. En plus, le livre se nomme «Ma maman gambade fébrilement dans une cabine téléphonique».

25 mars 2008, 12:00

On pense à la monumentale fleur aux larges pétales que Sophie Calle et Frank Gehry ont érigée sur un pont de Paris pour joindre le monde avec une cornette. On apprendra à la page 79 de ce recueil délicieux que cette phrase venait d'un cadavre exquis enfantin et surréaliste où les bouilles d'Ignace, Bulle et Hildegarde se tordaient de malice. La dédicace «à Basile qui fait des acrobasiles» réjouit aussi. Enfin, le nom de l'éditeur, «Du goudron et des plumes». N'en jetez plus, engouffrons-nous goulûment dans le mot-valise de Basile âgé de deux ans et demi au moment où sa maman notait des mots d'enfant qui l'émouvaient. Très vite naît son personnage, Raoul, que l'on suit dans ses aventures qui épicent le quotidien et épousent le merveilleux de Lewis Caroll en tirant une langue pleine de confiture.

Des champignons qui poussent entre les doigts de pied avec une volupté comique naissent du bout de la pointe sèche que Patricia Crelier affectionne tant: «J'aime l'odeur de l'encre, la magie de l'essuyage quand on l'enlève peu à peu sur la plaque et que l'image apparaît dans les sillons.» Au-delà des miracles techniques, les vignettes délivrent une poésie immédiate douce-amère. On oubliait, à côté du pied endolori, on trouve un gros titre, «Hygiène». Chez Patricia Crelier, les chattes se nomment Noisette et Fripouille, cette dernière «met sa queue en point d'interrogation quand elle veut me poser une question». On pense à Nadja et Albertine, dessinatrice sensuelle, grave et ludique.

Elle aime les décalages, les poissons la tête en bas ou les écailles dans l'huile, les voisines qui promènent des escargots dans la poussette, les vaches qui prennent des douches, cela finit par s'appeler «traité de traite». On croit en tout, on croit en rien. L'enfance s'infiltre par les pores comme une poussée de fièvre nostalgique. Patricia Crelier se met à hauteur de môme pour observer, les prendre au sérieux et sourire pudiquement dans «un peu de musique». On peut lire: «Je me suis mis à la flûte. En m'entendant répéter, ma grande s?ur Marina a demandé si on entendait sonner le téléphone.»

Adulte ou enfant, on tourne les pages avec jubilation en traquant la poésie d'une spécialité bulgare devenue camion tulipe, l'imagination semble sans borne tout en restant simple et accessible. Seul le cauchemar perturbe la narration drolatique et, quand Raoul devient «une vieille patate pourrie», les brindilles surgissent, bousculent la pensée et nous emmènent sur deux pages dans un univers qui mange le texte. C'est libre et impertinent. Le ventre de la femme enceinte devient une mappemonde.

Plein de souvenirs affectueux, de clins d'?il délirants qui font du bien à l'âme d'enfant éternel. /ACA

«Ma maman gambade dans une cabine téléphonique», Patricia Crelier, Du goudron et des plumes éditions, hiver 2007, goudronetplumes@bluewin.ch
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