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Un huis clos froid et exigeant

Parti du «gothique» le plus échevelé, Bézian a évolué vers un style complètement inclassable: ses «Garde-Fous» sont la parabole d'une modernité dont l'inhumanité ne peut que se fissurer face à l'évidence du réel. Dessinateur rare, voire énigmatique, Olivier Bézian s'était fait connaître, il y a une petite vingtaine d'années, par des récits d'un romantisme noir («Adam Sarlech»), qui poussaient au paroxysme l'ambiance des «Sambre» d'Yslaire. Si l'on pouvait encore rapprocher ses scénarios de la mode «gothique» qui sévissait alors, Bézian se révélait déjà inclassable par son trait furieux qui taillait les personnages comme à coups de serpe et striait ses planches de fuligineuses et spectrales apparitions.

02 nov. 2007, 12:00

On retrouve aujourd'hui ce dessinateur hors normes en une histoire qui se meut dans un univers apparemment aux antipodes du romantisme hystérique qu'il avait longtemps affectionné. Une villa d'une sophistication hypermoderniste, aux murs nus et aux meubles raréfiés abrite un jeune couple d'éditeurs dans le vent: on n'y parvient qu'en naviguant sur un petit lac ou par un souterrain verrouillé.

Mais ce lieu apparemment hors de toute atteinte semble menacé par un tueur en série qui, dans la paranoïa de policiers qui perdraient la face s'ils ne pouvaient se montrer plus malins que lui, pourrait bien y perpétrer son prochain crime. Les inspecteurs s'installent donc pour quelques jours et? finissent par abattre un innocent. L'histoire, à vrai dire, ne s'arrête pas tout à fait là et, contre toute attente, se termine de manière apaisée.

Elle aura été l'occasion pour Bézian de construire un huis clos paradoxal, plus vulnérable et ouvert qu'on ne l'attendait d'abord, où la dimension humaine, que les personnages semblaient vouloir éradiquer de leur vie, reprend ses droits d'une manière qui laisse la fin subtilement ouverte. Comme si, rongés par l'angoisse d'une perfection aussi vide que leur immense villa, ils réapprenaient peu à peu à vivre. Le beau-père, critique musical à la retraite, écoute le «Pélléas et Mélisande» de Debussy dans un salon de musique dont aucun appareillage n'est visible, véritable boîte noire d'où sort une musique immatérielle. La partition, en surimpression, fait corps avec des dessins d'une sobriété angoissante, presque toujours monochromes et où les personnages acquièrent des allures presque végétales à force de simplification.

Un album exigeant, dont l'apparente froideur ne plaira pas à tout le monde, mais dont il se dégage un frémissement subtil et prenant. / ACO

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