Dans quelles conditions nous conseillez-vous d'écouter votre nouvelle collection de titres?
C'est un disque qui renferme des styles musicaux très variés. Ma musique est ancrée dans de réelles expériences de vie et touche une large palette d'émotions. Elle peut donc être appréhendée dans n'importe quelle situation: en roulant, en méditant, en faisant la fête, même en faisant l'amour. En fait, ma musique devient ce que mes auditeurs en font. A quelque part, lorsque mes chansons sont publiées, elles ne m'appartiennent plus, j'en perds le contrôle.
Etant donné que vos compositions sont dépourvues de paroles, n'y a-t-il pas un risque que nous interprétions mal vos intentions créatives?
Ce n'est pas à moi de vérifier ce que ressentent les gens qui écoutent ce que je produis. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai mis tout mon cur, toute mon âme, dans ce projet. Lorsque j'offre une chanson aux fans, elle n'est plus entre mes mains. Le meilleur exemple de ce que je suis en train d'expliquer, c'est «Cryin». J'avais écrit cette chanson lorsque mon père est décédé en 1989. C'était comme un cri du cur. Mais bien des gens l'ont comprise comme une chanson d'amour. Et la chaîne de télévision allemande Sat1 l'a même utilisée comme générique de l'émission sportive «RAN».
Certaines nouvelles compositions se démarquent de ce que vous avez fait jusqu'ici. Vos fans seront-ils surpris?
Surpris, effectivement. Voire même choqués si je pense à des titres comme «Littleworth Lane» (un gospel en hommage à ma mère qui est décédée l'an dernier), «Two sides to every story», «Golden room» ou «Wind in the trees». Je ne veux pas être seulement considéré comme celui a écrit «Satch boogie». Trop de musiciens ont peur de décevoir leur public et sortent des disques pour plaire. En tant qu'artiste, j'essaie de me montrer courageux quand les gens n'aiment pas ce que je fais, et reconnaissant quand ils apprécient. Mais vouloir plaire à n'importe quel prix conduit au suicide artistique.
Vous êtes multi-instrumentiste. Pourquoi cet attachement si fort à la guitare, plutôt qu'à un autre instrument?
C'est tout simplement l'instrument qui me résiste le moins, qui me donne le moins de fil à retordre. J'aurais souhaité maîtriser le saxophone, le violon ou la batterie, mais ces instruments m'ont résisté. Je joue volontiers du piano, mais assez simplement. Quant à la guitare, qu'elle soit électrique ou acoustique, elle représente une somme de travail considérable. J'ai toujours considéré l'apprentissage de la guitare comme étant difficile, c'est pourquoi je dois m'exercer chaque jour à en jouer.
Avez-vous parfois le sentiment d'avoir tout accompli avec une guitare?
Au contraire, je ne serai jamais entièrement satisfait de la manière dont j'en joue. Et je me laisse inspirer par les autres guitaristes, il y a eu tant de pionniers depuis trente ans. Apprivoiser la guitare, c'est une tâche sans fin. Elle me fascine et je me dis que demain, j'en jouerai mieux. /PVU
Joe Satriani, «Black swans and wormhole wizards», Sony Music. Sortie en Suisse le 5 octobre