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Mourir d'amour un jour...

26 oct. 2011, 11:33

Après le triomphe de «Persépolis», dessin animé tiré de sa propre bande dessinée, la cinéaste franco-iranienne Marjane Satrapi s'attaque à l'adaptation d'un autre de ses romans graphiques, toujours en coréalisation avec son complice Vincent Paronnaud, mais cette fois en prises de vues réelles, en dirigeant des acteurs en chair et en os. Avec la faconde qui la caractérise, elle nous entretient de cette nouvelle expérience.

Avec «Poulet aux prunes», vous quittez résolument l'univers de l'animation… Qu'est-ce qui vous a incité à prendre un tel virage?

Marjane Satrapi: quand vous avez achevé un travail comme «Persépolis», qui a duré très longtemps, vous avez envie de vous renouveler et de faire quelque chose d'autre. Bon, vous commencez d'abord par vous tirer une balle dans le pied, parce que tout le monde veut que vous fassiez «Persépolis 2». Vincent Paronnaud et moi-même, nous avons eu bien des difficultés à imposer ce nouveau projet. Il a fallu beaucoup attendre avant d'obtenir les fonds nécessaires. Mais c'est dans ma nature, j'ai toujours envie de tenter des nouvelles choses!

Mais il y a des liens avec «Persépolis», outre qu'il contient une scène merveilleuse en dessins animés, votre second long-métrage procède aussi de la biographie…

Bien sûr! Dans n'importe quelle création, il y a un élément biographique, même si vous écrivez sur les extraterrestres et les zombies. Il y a quelque chose qui fait appel à vos peurs, à vos angoisses, à vos obsessions. On écrit toujours sur quelque chose qui fait écho à une expérience qui nous est propre. Chez moi, c'est encore plus évident, parce qu'il s'agit de l'histoire de mon grand-oncle…

En voyant «Poulet aux prunes», on ressent une émotion assez inédite, une sorte de tristesse euphorique… Vous avez consciemment créé ce ressenti?

Oui, enfin je le crois. Notre film est en même temps fantastique et réaliste. A un moment donné, cet homme décide de ne plus se mentir, de ne plus fermer les portes de ses sentiments, d'être honnête avec lui-même. Quand on est honnête avec soi-même, on ne peut pas survivre à un chagrin d'amour. Mourir d'amour, c'est triste et euphorisant, vous ne trouvez pas?

Ce sens de l'absolu, qui permet à un homme de mourir d'amour, est-il lié à la culture iranienne?

Les Iraniens s'emballent peut-être plus facilement. C'est notre histoire qui veut ça. Quand vous venez d'un pays qui, dans le courant du dernier siècle, a connu trois révolutions, forcément, votre vision du monde ne peut pas être celle de quelqu'un ayant vécu dans la paix absolue. Je ne connais pas une seule famille iranienne qui pourrait dire: «Je suis né, j'ai grandi, je suis allé à l'école. Plus tard, j'ai rencontré un homme ou une femme à l'université. Nous nous sommes mariés, nous avons eu des enfants…» Il y a toujours un drame quelque part!

Qu'est-ce qui vous a surpris le plus en passant de l'animation au cinéma en prises de vues réelles?

L'engagement des acteurs et de l'équipe technique qui vous entourent de façon incroyable. Après, quand vous disposez de talents comme Mathieu Amalric, Isabella Rossellini, Chiara Mastroianni, Golshifteh Farahani, Maria de Medeiros, Edouard Baer ou Jamel, il n'y a plus rien à craindre… Ces gens-là prennent votre histoire et la transcendent. Ce ne sont que des bonnes surprises! Et puis le tournage en studio, c'est comme la bande dessinée, ça stimule l'imagination, on se sent souvent «no limit»!

Est-ce que vos films circulent en Iran malgré leur interdiction?

Moi, je n'arrive pas à le faire, mais les Iraniens y réussissent très bien. Le DVD de «Persépolis» est sorti le 27 décembre 2010 en France. Le 29 décembre déjà circulaient en Iran des versions sous-titrées clandestines… Ça sera pareil pour «Poulet aux prunes». Rappelez-vous, Dieu a dit à Adam et Eve: «vous pouvez faire tout ce que vous voulez, sauf bouffer la pomme.» Et la première chose qu'ils font, c'est quoi? Bouffer la pomme! L'être humain est comme ça, heureusement!

De Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud
Avec Mathieu Amalric, Jamel Debbouze, Golshifteh Farahani...

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