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Ma petite entreprise derrière les barreaux

Après l'admirable «De battre mon cœur s'est arrêté» (2005), le cinquième long-métrage de Jacques Audiard constitue un véritable choc. Faux film de genre, «Un prophète» déborde tous les clichés de la fiction carcérale pour former une allégorie fulgurante de notre société. Grand Prix du Jury à Cannes.

02 sept. 2009, 08:08

Exploité depuis belle lurette par Hollywood, le film dit «de prison» est un vieux genre cinématographique perclus de stéréotypes, dont on vient de repasser en revue tout l'attirail sur le petit écran, via la série «Prison Break». Avec «Un prophète», de façon inouïe, Jacques Audiard a osé faire table rase, extraordinairement confiant en la puissance d'incarnation de son cinéma, au point que le spectateur, pantois, éprouvera tout au long de la projection la sensation rare d'«une première fois», rendant obsolète tout ce qui s'est fait auparavant, à l'exception d'«Un condamné à mort s'est échappé» (1956) de Robert Bresson.

Quand Malik El Djebena (Tahar Rahim) entre en prison où il doit purger une peine de six ans, nous ne savons rien de cette petite frappe sans relation et analphabète. Idem pour les autres taulards qui partagent donc notre ignorance. De fait, cette ignorance va constituer le moteur même du film, déclenchant une mise en fiction graduelle, admirablement menée par le cinéaste qui, littéralement, façonne devant nous un personnage toujours plus complexe.

Normalement, Malik ne devrait pas faire de vieux os dans un milieu carcéral gangrené par une violence terrifiante, dominé par deux clans antagonistes, les Corses et les Arabes.

Contre toute attente, en regard de son origine, Malik fait vite acte de soumission aux Corses, suscitant la désapprobation risquée de sa communauté. Accumulant les humiliations, il s'attire peu à peu la confiance du caïd Luciani (Niels Arestrup). Mine de rien, ce petit délinquant, apparemment sans envergure, va alors jouer son propre jeu et gagner sa survie, voire beaucoup plus…

Faisant preuve d'un art de la présence sidérant, servi par des acteurs prodigieux de justesse, le réalisateur de «Sur mes lèvres» (2001) distille une ironie aussi discrète que ravageuse, qui confère à cet éloge des vertus du «self made man» une résonance pour le moins dérangeante, dont la dimension combien métaphorique éclate, sitôt le générique de fin déroulé! /VAD

Réalisateur: Jacques Audiard
Genre: policier, drame
Durée: 2h34
Age: 14 ans, suggéré 16
Avec: Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif

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