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Les mots des orphelins

Trois chercheurs vaudois se sont penchés sur le sort tragique des enfants placés en institution entre les années 1930 et 1970 On se souvient du combat de Louisette Buchard-Molteni et de son histoire tragique. L'enfer commence à la mort de son père en 1941 lorsque l'autorité judiciaire déclare sa mère inapte à élever ses enfants. S'ensuivra une cruelle odyssée, où elle sera déplacée d'orphelinat en maison de correction, puis d'asile psychiatrique en prison.

24 janv. 2006, 12:00

Maltraitée par les nonnes et par la famille chez qui elle est placée, elle fut battue et violée. Son parcours ressemble à celui de milliers d'enfants confiés à l'assistance avant la réforme pédagogique des années 1960, qui a promu une approche plus humaine de la prise en charge d'enfants orphelins.

Ces «enfants de l'assistance» ont connu un sort épouvantable

Les historiens Geneviève Heller, Pierre Avvanzino et Cécile Lacharme se sont penchés sur cet épisode sombre de l'histoire suisse. Le résultat de cette recherche vient de paraître dans les cahiers de l'Ecole des études sociales et pédagogiques: «Enfance sacrifiée - Témoignage d'enfants placés entre 1930 et 1970». L'ouvrage est dédié à la mémoire de Louisette, disparue en 2004. Une partie du livre retrace son combat pour la reconnaissance publique des sévices infligés aux enfants placés en institution.

En 1995, Louisette Buchard-Molteni publie son autobiographie, «Le tour de Suisse en cage», qui conduit à une première sensibilisation du monde politique. En 1999, Jean-Charles Simon, alors conseiller national, demande au Conseil fédéral d'enquêter sur les conditions de vie des orphelins suisses des années 1930 aux années 1970. En été 2003, sa motion est tout simplement classée.

Mais Louisette Buchard n'entend pas laisser classer l'affaire. Septuagénaire, elle entame une grève de la faim de vingt jours devant le siège du Département de la formation et de la jeunesse à Lausanne. Ayant attiré la sympathie de la cheffe de ce dernier, Anne-Catherine Lyon, et de Charles Kleiber, secrétaire d'Etat en charge de l'éducation, elle finit par obtenir que le canton de Vaud et l'Office fédéral de l'éducation et des sciences financent une étude exploratoire visant à évaluer l'état des archives et à recueillir les premiers témoignages.

L'étude publiée aujourd'hui constitue un volet de cette recherche exploratoire. Pour poursuivre cette recherche, un financement est encore attendu du Fonds national de la recherche scientifique.

Privés de parole

Le principal mérite de la recherche est sans doute de donner la parole à ceux qui en ont été privés si longtemps. Dans la première partie du livre, dix témoignages couvrent la période historique comprise entre les années 1930 et les années 1970.

Puis, c'est par thèmes que la seconde partie analyse les entretiens. Les similitudes des différentes trajectoires apparaissent: situations familiales douloureuses, rapports aux autorités, privations, violences infligées et conséquences sur la vie d'adulte.

Ces «enfants de l'assistance» ont connu un sort épouvantable. Abandonnés par leurs parents, pris en charge par une administration inhumaine, humiliés à longueur de journée, corvéables à merci, manquant le plus souvent de soins et de nourriture. Leur éducation négligée, l'horizon professionnel de ces malheureux se bornait au travail de bonne ou de garçon de ferme. Un cumul d'injustices et de maltraitances qu'on espère appartenir à une autre époque. /LGR-La Liberté

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