Les contrastes d'un pays jeune qui ne veut regarder que devant lui

S'intégrer à l'économie mondiale sans oublier ceux de ses habitants qui vivent encore sous le seuil de la pauvreté: le Vietnam mène les deux tâches de front. Et présente ce double visage qui le rend si contrasté. Impressions glanées entre Hanoi et les provinces du Nord «Nous voulons devenir le nouveau tigre de l'Asie.» Mai Lan Le a le regard déterminé derrière ses petites lunettes. Tailleur, talons hauts et sourire charmeur, la directrice de la «Bank Training and Consultancy Agency», à Hanoi, représente la nouvelle génération vietnamienne. Autant dire les forces vives du pays: les deux tiers des 84 millions de Vietnamiens ont moins de 30 ans!

17 juil. 2008, 12:00

Leurs parents avaient peut-être eu l'occasion de séjourner en URSS ou dans un pays «ami» du bloc de l'Est. Eux, s'ils quittent le pays, c'est pour les Etats-Unis ou l'Australie. Et quand ils rentrent, c'est avec des envies de «business». Qu'ils concrétisent avec un succès se lisant dans les chiffres: depuis 2004, le taux de croissance du Vietnam oscille entre 7,8 et 8,4% du produit intérieur brut.

Hoa Binh, à trois heures de route de Hanoi. Dans les rues de la petite ville (80 000 habitants tout de même), les motos sont moins nombreuses que dans la capitale, mais elles donnent de l'avertisseur avec autant d'insistance. Reste aux piétons, aux cyclistes et aux...vaches à s'écarter! Tout au bout d'une ruelle, une femme fluette, la quarantaine, fait asseoir ses visiteurs suisses sur des chaises en plastique. Séparée de son mari, une fille au lycée, elle vit des maigres revenus d'une toute petite échoppe. Chichement: moins d'un dollar par jour. Elle fait partie des gens de la région ayant bénéficié de l'assistance du «Provincial Legal Aid Center», une des 63 entités d'un programme national - soutenu par la Suisse - visant à permettre un accès à la justice aux plus défavorisés.

L'usine de vêtements Nguyen Hoang a pris ses quartiers en 2001 dans la province de Hung Yen, au nord-est de Hanoi, bien au-delà des ponts métalliques sur le fleuve Rouge. On y fabrique des habits de travail, ainsi qu'une collection pour enfants, dont 60% sont destinés à l'exportation, y compris en Europe. La direction accueille la délégation helvétique avec fierté. L'usine, qui emploie plus de 500 personnes, passe pour un bon élève. Depuis qu'elle s'est mise au «Factory Improvement Programm», mis sur pied par la Suisse, via le Seco (Secrétariat d'Etat à l'économie), elle a vu sa productivité croître de 37%. Le programme comporte un volet «social et environnemental», lit-on dans la documentation. Les ouvrières - l'usine occupe majoritairement des femmes - sont-elles mieux loties qu'ailleurs? Penchées sur leur ouvrage, elles ne disent rien. Et le sourire des cadres qui font visiter les ateliers garde une part de mystère.

Retour à Hoa Binh. Le soleil du matin tape déjà fort sur les champs de maïs de la commune de Thanh Hoi. Le district, au relief montagneux, est avant tout agricole. C'est aussi un des plus pauvres (28% de gens considérés comme tels). L'aide extérieure, dont celle de la Suisse, consiste aussi bien en un soutien technique que des aides à l'emprunt. Mais à un niveau modeste, comme le montre l'exemple de Nghiep. Le petit veau qu'il a pu acheter, il prévoit de le revendre dans un an. Avec le produit de sa vente, il compte poursuivre la construction de sa petite maison à l'écart du village. Pour le moment, elle n'a pas de fenêtres.

On a atteint les 35°. Sous l'ombre d'un banyan géant, les villageois s'exercent au tir à l'arbalète. Vu leur habileté, on s'est bien gardé de leur parler de Guillaume Tell... / SDX