Le septième long-métrage de Nicolas Winding Refn, cinéaste danois élevé à New York jusqu'à l'âge de 18 ans, tient du chef-d'uvre inconfortable. Les cinéphiles avisés ne s'en montreront pas surpris.
Film après film, le réalisateur de «Inside Job» (un polar déjà implacable) et «Walhalla Rising» (une épopée «viking» contemplative) a en effet développé un génie formel dont l'évidence éclate dans «Drive», thriller passionnant et éprouvant tourné dans l'arrière-cour hollywoodienne du cinéma de genre.
Mutique et solitaire, un jeune homme à gueule d'ange met à profit sa conduite virtuose pour mettre à l'abri les malfrats de la police, une fois leur hold-up perpétré. D'un sang-froid à toute épreuve, sans états d'âme, il n'a jamais failli! Avec un sens du découpage suffocant, Winding Refn met en scène ces délits de fuite répétés, en faisant de son protagoniste une «machine» à conduire parfaite, indissociable de son véhicule Tout roule, est-on tenté d'écrire, jusqu'au jour où le pilote se laisse aller à venir en aide au mari de sa très jolie voisine, fraîchement sorti de prison et contraint par la mafia de faire un dernier coup!
Piégé, trahi, le héros laisse alors éclater une violence que sa maîtrise ne laissait en rien supposer, une violence littéralement terrifiante et inéluctable, qui va réduire à néant le fantasme amoureux que lui prêtait peut-être le spectateur. Une scène comme celle de l'ascenseur (absolument incroyable), où le premier baiser a aussitôt un goût de sang, est emblématique de cette mutation sans retour, dont la vitesse le dispute à celle qu'il pouvait atteindre sur le ruban de bitume avec sa voiture
De machine à conduire à machine à tuer, ce n'est qu'une simple question de grada- tion sur l'échelle de la démence!
«Drive», de Nicolas Winding Refn, avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Albert Brooks