Pour avaler les mille premiers mètres de montée, solution douce: en quelques minutes, la télécabine vous dépose en pleine carte postale, à Schwarzsee. Après une courte descente sur Furgg, commence alors une lente ascension où l'herbe des hauts alpages cède, mètre après mètre, à la caillasse gris-roux. Vue plongeante sur la vallée. Fréquentée, mais magnifique.
A Trockener Steg, la station de télécabine révèle toute la contradiction de Zermatt: une nature d'exception envahie de pylônes, câbles et restaurants d'altitude. Bizarrement, cette frénésie bétonneuse échoue encore et toujours à démolir la magie des lieux. Un panneau géant dirige vers la Gandegghütte et sa vue fabuleuse sur le Gornergletscher. Le sentier court sur la moraine, dépasse la cabane; lorsqu'il rejoint la glace, c'est le moment de s'encorder (lire infos pratiques).
Il faut alors remonter la langue peu pentue du glacier. Droit en haut, l'antenne rouge de Testa Grigia découpe l'azur. Le col du Théodule (3301 m), point culminant de cette balade, est juste en dessous. Nommé d'après le premier évêque du Valais et patron des vignerons, il marque la frontière avec l'Italie: la borne jouxte la terrasse du refuge.
Cette grande cabane doublée de tôle grise garde un passage millénaire. Des pièces de monnaie attestent que le Théodule était déjà fréquenté par les Romains. En 1987, le glacier a rendu, un peu plus bas, les restes d'un infortuné chevalier tombé dans une crevasse il y a 400 ans. Au 18e siècle, une fortification avait même été érigée au col. Ses ruines ont servi de premier abri à touristes, dès 1849. En été 1910, on y comptait vingt à trente passages par jour de beau temps! Après la neige, la pierre. La descente côté italien a des airs lunaires. Pas étonnant: il y a juste 150 ans, cette combe déserte était encore couverte de glace. Aujourd'hui, il n'en reste que quelques lacs d'un bleu éclatant. Par le sentier comme par la piste carrossable, on rejoint la chapelle Bontadini.
La verdure, on la retrouve enfin à la hauteur de Plan-Maison, avant de piquer dans les mélèzes jusqu'à Breuil-Cervinia. Breuil, mot en patois pour «terre de nombreuses eaux», est resté longtemps un simple alpage zébré de torrents. Le nom plus «italien» de Cervinia lui a été accolé sous Mussolini, alors que la station bâtissait ses premières remontées mécaniques.
Et si vous profitiez d'être dans le coin pour gravir votre premier «4000»? Voici en vitesse une variante de cette balade au rapport «effort-émotion» imbattable. Avec un guide, l'ascension du Breithorn est accessible à tout marcheur normalement entraîné (155 francs par personne). Télécabine de Zermatt au Petit-Cervin, montée au Breithorn, retour au Petit-Cervin avant midi. De là, rejoindre le col du Théodule via Testa Grigia (rester encordés). On peut alors descendre à Cervinia (2h30), ou regagner Zermatt via Trockener Steg (corde), puis Schwarzsee (3h10). Royal! /AMO