Réalisatrice lituanienne, Kristina Buozyte est passionnée de littérature fantastique depuis l’enfance. Réalisateur belge, Bruno Samper est un ancien geek passé par les arts plastiques et le multimédia. Depuis leur rencontre à Prague, ils créent ensemble de véritables expériences sensorielles.

Après le voyage dans la psyché humaine de «Vanishing Waves», présenté au Nifff en 2012, les voici de retour avec «Vesper». A voir absolument sur grand écran, le film se déroule au cœur d’une nature bouleversée suite à l’effondrement des écosystèmes. Une jeune héroïne, symboliquement prénommée Vesper («vêpres»), manie l’ADN pour tenter d’offrir un futur à l’humanité… Rencontre.

Comment vous est venue l’idée de ce film?

Kristina Buozyte: Nous voulions redonner de l’espoir malgré tout ce qui pèse sur les épaules des jeunes générations, avec les extinctions de masse et le changement climatique. C’est pourquoi, même si «Vesper» se déroule dans un monde dystopique très dur, il y a de la beauté et des moyens de changer de direction. Nous avons imaginé un futur où il est possible de jouer avec les biotechnologies en leur conférant une part d’humanité. Pour cela, il nous fallait un personnage qui refuse d’être victime, se relève à chaque épreuve et porte le regard neuf et créateur de la jeunesse.

Nous avons construit un espace à 360 degrés, en pleine forêt.

Kristina Buozyte, réalisatrice

Pourquoi avoir choisi de vous inspirer des biotechnologies?

Bruno Samper: Parce qu’elles sont fascinantes. Elles avancent à toute vitesse. Elles ont quelque chose de l’ordre de l’alchimie et vont sans doute conduire à une nouvelle révolution, après celle de l’informatique. Cela représente un territoire inconnu, et parfois effrayant: imaginez qu’il soit possible de faire des manipulations génétiques dans sa cuisine! Pour explorer cela, nous avons créé un univers organique, en nous servant de la création assistée par ordinateur, qui permet de développer des formes d’une extrême complexité, si complexes qu’elles redeviennent simples. Nous avons ainsi inventé un monde métamorphosé, où la forêt en déliquescence se retrouve peuplée d’organismes génétiquement modifiés.

Vous avez privilégié les décors naturels au fond vert. Pour quelle raison?

Kristina Buozyte: Il fallait pouvoir immerger non seulement les actrices et acteurs, mais aussi toute l’équipe du film. C’est essentiel pour atteindre de la profondeur et créer l’univers immersif indispensable à l’expérience de cinéma. Alors, au lieu de tourner dans un espace vide, nous en avons construit un à 360 degrés, en pleine forêt, avec tous les détails, même ceux qui n’étaient pas dans le champ de la caméra. Nous n'avons utilisé le numérique qu’en cas de nécessité, parfois en combinant les techniques. Pour le robot par exemple, nous avions un vrai drone, mais il faisait beaucoup de bruit, une vraie tondeuse à gazon! Donc pour les scènes dialoguées, nous utilisions des effets spéciaux.

Comment s’est imposé l’enjeu politique de la privatisation des technologies?

Bruno Samper: De façon logique, car aujourd’hui, on a des abonnements pour tout et les entreprises de biotechnologies ont déjà commencé à poser des brevets sur le vivant. Nous ne voulions pas imposer de message, mais nos préoccupations se reflètent dans le film et peuvent faire l’effet d’une petite graine dans les consciences, qui parfois peut faire germer des idées face à un système qui assèche les ressources de la Terre et creuse les inégalités.

Nifff: «Avec 'Vesper', nous voulions redonner de l’espoir»

Sélectionné en compétition, «Vesper» est un film écologiste qui nous immerge dans un univers d’anticipation fascinant. Rencontre avec ses créateurs.