«Sur le moment, on ne comprend pas ce qu’il se passe, on est juste en mode survie. On se rend compte après coup et, là, on se dit qu’on a de la chance d’être en vie.» Stéphane* se trouvait à Oslo, le week-end dernier. Il était dans l’un des deux bars pris pour cible, dans la nuit de vendredi à samedi, par Zaniar Matapour (42 ans), un Norvégien d’origine iranienne, au lourd passé judiciaire, connu des services de renseignement pour ses liens avec la mouvance islamiste dans le pays.

Le Tavannois nous raconte le drame, dont le bilan se monte à deux morts et 21 blessés, lui qui était au London Pub. Un bar gay au cœur de la capitale norvégienne. «L’établissement occupe deux étages: le rez-de-chaussée, où se situe la piste de danse, et un sous-sol. Il y avait beaucoup de monde», explique-t-il. «De nombreuses festivités de la communauté LGBTQ+ étaient prévues durant le week-end.»

Sur le moment, on ne comprend pas ce qu'il se passe, on est juste en mode survie.

Stéphane*, témoin de la fusillade d'Oslo

«Il était environ 1h du matin. J’étais sur le dancefloor quand nous avons entendu comme une grosse déflagration. Nous avons senti des choses nous toucher. Sur le coup, on croit que quelque chose est tombé», relate Stéphane. «Quelques secondes plus tard, le DJ arrête la musique, le service de sécurité nous ordonne de nous mettre à terre et fait ce qu’il faut pour que ceux qui n’obtempèrent pas obéissent le plus rapidement possible.»

Il n’en faut pas davantage pour prendre la mesure de la gravité de la situation. «On a compris que nous étions victimes d’une fusillade, que nous avions été touchés par des débris de verre de la vitrine», poursuit notre témoin. «Une fois au sol, j’ai vu deux personnes blessées. Une saignait abondamment du front, certainement effleurée par une balle, tandis qu’une autre lui avait traversé l’épaule. Une deuxième victime a été blessée car elle a chuté sur des débris de verre. Le bar était relativement petit, ces deux personnes étaient à cinq mètres de moi.»

Actes héroïques

A cet instant, Stéphane ne sait pas ce qu’il est advenu de son ami, lequel s’était rendu aux toilettes du sous-sol quelques instants avant le drame. «Nous nous sommes retrouvés plus tard. Il a pu ensuite sortir par une issue de secours, mais il ne s’est pas rendu compte de ce qu’il s’était passé.»

Le Tavannois est, lui, resté à l’intérieur 15 à 30 minutes supplémentaires, la notion du temps étant bien accessoire dans ce genre de moments. «J’ai des années de samaritains derrière moi. J’ai fait ce que j’ai pu pour aider les secours, qui sont très rapidement arrivés sur les lieux.»

C’est un peu plus tard que Stéphane en apprend davantage sur le déroulement des faits et l’arrestation, quasiment immédiate, de l’assaillant. «Nous avons eu une chance folle que le service de sécurité ait réagi au quart de seconde. Car le tireur a été empêché d’entrer, comme c’était sa volonté, dans le bar. Si tel avait été le cas, il est évident que le bilan aurait été autrement plus lourd», constate le témoin. «Nous avons aussi appris que le tireur a été pourchassé par des civils, ce qui a permis sa rapide arrestation. Nous avons été sauvés par le courage et l’héroïsme de toutes ces personnes.»

Sauvés, Stéphane et son ami ont dû retourner le lendemain sur les lieux pour récupérer des affaires oubliées le soir même. «Nous avons été marqués par l’incroyable élan de solidarité qui s’est emparé de la ville après ce drame. Il y avait des drapeaux arc-en-ciel partout dans le périmètre», se remémore-t-il.

Communauté visée?

La grande marche des fiertés LGBTQ+ prévue le samedi a été annulée, la présence policière évidemment renforcée en ville. Si les autorités ont fait état d’un «acte de terrorisme islamiste», il n’est pas impossible d’imaginer que sa communauté ait été ciblée. «Il y a énormément d’endroits animés au centre d’Oslo. On ne peut pas avoir de certitudes, mais il est difficile de croire à un hasard», relève encore Stéphane.

Quelques jours après ces effroyables événements, le Tavannois ne ressent pas de contrecoup. «J’ai pu être utile dans le feu de l’action, cela m’a certainement aidé», dit-il. «Je n’ai pas d’images qui me reviennent de cette nuit-là. Je ne sors pas avec la boule au ventre, je ne suis pas hanté par ce qu’il s’est passé. Mais je vais être extrêmement attentif à d’éventuelles sautes d’humeur ou troubles du sommeil.»

Stéphane continuera d’être actif, de vivre, conscient qu’il évolue dans un certain confort malgré cet épisode hors normes. «Nous vivons dans un cadre privilégié. Cette fusillade s’est produite en Europe, en Norvège, dans l’un des pays les plus sûrs du monde. Pour certains, ce qu’il s’est produit relève de leur quotidien, ils souffrent de la connerie humaine.»

*nom connu de la rédaction

Emile Perrin, «Le Journal du Jura»

«Sur le moment, on ne comprend pas ce qu’il se passe, on est juste en mode survie»

Un Jurassien bernois se trouvait dans l’un des deux bars pris pour cible par un terroriste islamiste, le week-end dernier, dans la capitale norvégienne. Il raconte.