Emblème de l'Arc jurassien, le pâturage boisé est en péril! Depuis Les Reussilles, la Chambre d'agriculture du Jura bernois (CAJB) s'est ainsi associée à Pro Natura et à Jura bernois Tourisme pour tenter d'obtenir un statut spécifique pour les quelque 18.000 hectares où prairies et sapins font les délices des adeptes de la torrée et une partie du modeste gagne-pain de leurs exploitants.
Les intérêts souvent divergents de ces partenaires n'ont pas résisté aux risques de voir ce paysage cinq fois séculaire sacrifié sur l'autel des nouveaux plans cadastraux fédéraux.
«Le pâturage boisé n'est ni une forêt ni un herbage à exploiter intensivement, ont rappelé hier René Eicher et Jean-Michel Carnal, respectivement président et vice-président de la CAJB. Les agriculteurs ne font pas que mettre leur bétail sur ce terrain, ils entretiennent leurs parcelles. Supprimer le pâturage boisé de la réflexion sur la définition de la surface agricole utile nous ferait perdre grosso modo un million au niveau des paiements directs qui nous sont alloués.»
Pour une fois, agriculteurs et défenseurs de l'environnement sont d'accord. Alain Ducommun, secrétaire de Pro Natura Jura Bernois, a souligné que le pâturage boisé est un milieu où l'homme et la nature cohabitent. «Les insectes, les oiseaux et les plantes qui y vivent en font un véritable écosystème», a-t-il lancé hier. «Si ce type de terrain n'est plus garanti dans le cadastre, on ne verra plus de promeneurs dans la région», a surenchéri Katherine von Ah, directrice de Jura bernois Tourisme.
C'est donc le fragile équilibre du pâturage boisé que les trois associations veulent préserver. Le canton de Berne a été choisi comme cobaye pour appliquer la nouvelle définition de la surface agricole utile, et a déjà été rendu attentif au problème. «Il faudra cependant séduire au plan national», a estimé Francis Gauchat, président de Pro Natura Jura bernois. Une opération difficile, étant donné que le pâturage boisé, avec ses 90.000 hectares recensés en Suisse, est une particularité presque exclusive de l'Arc jurassien. «Une fois ce statut spécifique obtenu, nous pourrons penser à préserver ce type de paysage», a encore estimé René Eicher.
La balle est dans le camp de la Confédération. Mais les trois associations présentes hier aux Reussilles envisagent de durcir leur action si la réponse fédérale ne leur convient pas. Et le lancement d'une initiative, même parlementaire, n'est pas écarté / PHC