A la barre on trouve Bernard Goudron, l'homme qui a présidé la SPA-Jura de mars 1999 au printemps 2005. Durant ce laps de temps, le citoyen de Soubey ne s'est pas fait que des amis, si ce n'est peut-être les quelque 700 chats et chiens qu'il a recueillis à son domicile, dans le refuge construit et payé avec l'argent de l'association. «Il était budgétisé à 500 000 francs. Au bout du compte, il a coûté 70 000 francs.»
Le prévenu est persuadé qu'on lui cherche des noises. D'abord au sein même de la SPA-Jura, une association où la chienlit a régné durant de longues années, au point qu'il a fallu nommer un curateur pour remettre de l'ordre. En vain, cela écrit en passant. «Comment expliquez-vous cette déconfiture?», a questionné la juge. «Je dérange, j'ai déposé 300 plaintes contre mauvais traitement infligé aux animaux dans le Jura. J'ai fait fermer des exploitations agricoles, notamment une où des chevaux mangeaient leur fumier. Le canton a payé des mercenaires pour foutre en l'air la SPA-Jura! C'est elle qui me doit 100 000 francs»
Peu de séances de comité, pas d'assemblée générale, un dialogue quasi inexistant, à cause de la personnalité de l'accusé décrit comme «un despote autoritaire», selon le Ministère public. Retraits bancaires, salaire versé à son épouse, frais de déplacements gonflés, dépenses effectuées sans justificatif, plus des bricoles: Bernard Goudron en ramasse plein l'ordonnance de renvoi. Il est jugé pour abus de confiance, éventuellement gestion déloyale.
Les pièces comptables qui ont disparu? «Elles ont été grignotées au domicile de la caissière. Elle a d'ailleurs reconnu les faits!» En 1999, la SPA-Jura disposait d'une fortune de 120 000 francs. Aujourd'hui, elle est à sec. Yves Maître a fait ses calculs. En six ans, l'association a totalisé pour près de 367 000 francs de ressources, dont des subventions cantonales à concurrence de plusieurs milliers de francs et un legs de passé 122 000 francs. Aux yeux du procureur, il est évident que le prévenu a encaissé la somme globale de 200 000 francs de façon indue. «Où est passé cet argent?», s'est interrogé le procureur. Pour lui, la gestion déloyale ne fait aucun doute. Il a réclamé un an de prison avec sursis pendant 24 mois, «car plusieurs éléments jouent en faveur de l'accusé. A commencer son âge, 75 ans.»
L'avocat de la défense n'a évidemment pas rejoint les conclusions d'Yves Maître. Il s'est basé sur un rapport de la police et a mis le doigt sur «des grossières erreurs de comptabilité». Et on était reparti pour une litanie de chiffres. Le défenseur: «Si les animaux pouvaient parler, ils seraient aujourd'hui aux côtés de mon client. (...) Goudron, il porte bien son nom, car c'est un dur. Mais il porte surtout un joli prénom. C'est un vrai saint-bernard.» L'avocat a plaidé l'acquittement, et réclamé un tort moral de 10 000 francs. «Mon client a été discrédité dans toute la région.» / GST