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Une énergie «sûre» au placard

05 nov. 2011, 08:47

Juste au-dessus de la porte du Hall Est, quartiers noirs sur fond orange, un symbole avertit de la pr?sence de rayonnements ionisants. Il clignote, sans bruit. Au centre de la salle, riv? au sommet d'un imposant assemblage de blocs de b?ton, un second signal. Lumineux et aphone lui aussi. Il domine une structure aux allures de bricolage high-tech qui semble inerte. Seules quelques diodes lumineuses trahissent une activit?. ?Un faisceau de protons court dans le tube ? vide que vous voyez sur la droite?, d?taille Jean-Pierre Revol, du haut de la muraille de blindage. ?Ces particules viennent ensuite frapper une s?rie de d?tecteurs?, poursuit le chercheur du Cern, l'Organisation europ?enne pour la recherche nucl?aire bas?e en banlieue genevoise.

Avant d'atteindre leur objectif, les protons sont acc?l?r?s par un synchrotron - maillon essentiel du complexe d'acc?l?rateurs de particules du Cern. Ils sont ensuite canalis?s puis orient?s et concentr?s par un ensemble d'aimants vers leur(s) cible(s). Ces particules filent finalement libres. Elles traversent plans verticaux, containers ronds, carr?s, allong?s. Autant de d?tecteurs sensibles au bombardement de particules qu'ils subissent. Une op?ration d'une extr?me pr?cision, invisible aux yeux du visiteur de Hall Est o? s'activent une vingtaine de chercheurs. Des scientifiques bien rang?s dans ce qui tient plus de simples baraques de chantier que de labos de recherche.

Amplificateur d'?nergie

Et pourtant. Quinze ans plus t?t, le m?me Hall Est voyait une ?quipe du Cern faire un pas important vers un mod?le qui aurait pu changer l'industrie nucl?aire. Face au faisceau de protons, un mur de 334 tonnes de plomb subissait les assauts de l?gions enti?res de particules. Objectif: mesurer les propri?t?s atomiques du m?tal. Et surtout valider un peu plus le mod?le th?orique d?velopp? au d?but des ann?es 1990 par l'?quipe du professeur Carlo Rubbia, prix Nobel de physique 1984. Appel? ?amplificateur d'?nergie?, le syst?me proposait une alternative ? la production classique d'?nergie nucl?aire.

?Contrairement ? un r?acteur traditionnel, ? eau pressuris?e par exemple, le syst?me de Rubbia fonctionne avec un acc?l?rateur de particules?, note Jean-Pierre Revol qui a travaill? au c?t? de l'ancien directeur du Cern. ?L'acc?l?rateur est coupl? ? un r?acteur sous-critique vers lequel il propulse un faisceau d'?lectrons qui doit rendre la r?action nucl?aire possible.?

?Principal avantage du syst?me?, reprend Jean-Pierre Revol: ?Il ne peut pas conduire ? un accident du type Tchernobyl. Quand on coupe le faisceau, l'installation s'arr?te. Il ne peut pas y avoir d'emballement comme dans un r?acteur critique.?

?Les syst?mes classiques, dits critiques?, pr?cise Jean-Pierre Revol, ?n?cessitent le pilotage permanent d'un syst?me en ?quilibre instable. En dessous d'une certaine valeur le syst?me s'arr?te.? La cha?ne des r?actions de fission produisant l'?nergie n'est plus entretenue. ?En dessus de cette valeur par contre, le syst?me devient surcritique. Et si on ne fait rien c'est Tchernobyl.?

?Avec ce mod?le - qui ?quipe les centrales actuelles et celles de quatri?me g?n?ration -, le risque est loin d'?tre nul. On parle de s?curit? probabiliste?, glisse Jean-Pierre Revol. ?Par contre, avec le syst?me de Rubbia, la s?curit? est une donn?e ajustable ? l'avance. On parle de s?curit? d?terministe.? La marge de man?uvre, le risque en somme, est d?cid?e en amont.

?En s'offrant une marge de s?curit? consid?rable?, note Jean-Pierre Revol, ?on peut tabler sur une rentabilit? ?nerg?tique de 45%, contre 30% avec un syst?me ? eau pressuris?e.? Par ailleurs, souligne le chercheur, l'emploi de plomb pour refroidir le r?acteur est un gage de s?curit? suppl?mentaire. ?Au contraire du sodium, extr?mement explosif au contact de l'eau, le plomb ne souffre que de quelques probl?mes de corrosion ? tr?s haute temp?rature. Mais ces soucis sont d'ores et d?j? ma?tris?s pour des temp?ratures allant jusqu'? 500 degr?s.?

Encombrants d?chets

Reste ? aborder l'in?vitable question des d?chets. ?Oui. Le syst?me de Rubbia produit des d?chets, mais leurs demi-vies (r?d: temps n?cessaire ? un radio?l?ment pour perdre la moiti? de son ?nergie) sont bien plus courtes que celles des ?l?ments transuraniens produits (plutonium, am?ricium, etc.) par les centrales actuelles. De l'ordre de 300 ans contre un million d'ann?es. Ces d?chets pourraient, par ailleurs, ?tre br?l?s dans le r?acteur et produire de l'?nergie?, poursuit Jean-Pierre Revol. ?Dans un pays comme la Suisse, qui a choisi de ne plus construire de centrales telles qu'on les conna?t, le syst?me de Rubbia pourrait ainsi au moins servir ? se d?barrasser des d?chets produits par les centrales actuelles.?

Si parfait en apparence, l'amplificateur d'?nergie n'a pourtant jamais ?t? d?velopp?. ?Carlo Rubbia avait trouv? un industriel italien pr?t ? se lancer?, l?che Jean-Pierre Revol. ?Mais les institutions politiques europ?ennes ont pr?f?r? suivre l'industrie nucl?aire, celle-ci misant sur d'autres voies comme les r?acteurs EPR et Iter.?

Rien n'est perdu, estime Jean-Pierre Revol. ?Il serait possible de r?aliser un prototype en peu de temps, cinq ans peut-?tre. Ensuite, 10, 20 ans - le temps de vie restant ? nos centrales - suffiraient ? passer ? une production industrielle du mod?le de Rubbia.?

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