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Sept milliards de pertes, mais il n'y a pas de problème

Le Conseil fédéral ne changera pas la loi fiscale contestée par la gauche. Pourtant, Berne perdra des milliards dans l'affaire.

15 mars 2011, 12:06

Plus de sept milliards. La réforme de l'imposition des entreprises adoptée de justesse en votation par les Suisses en février 2008 provoquera ces dix prochaines années un manque à gagner de plus de sept milliards de francs pour les caisses de la Confédération, des cantons et des communes. Malgré tout, le Conseil fédéral ne reviendra pas sur cette réforme comme l'a fait savoir sa ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf hier après-midi, à la tribune du Conseil national puis devant la presse.

Depuis deux semaines, la Suisse politique découvre ce que sont les agios (voir encadré). Petit mot, grands effets. Ainsi, alors que le Conseil fédéral annonçait avant la votation de 2008 «un léger recul des recettes fiscales» (83 millions pour la Confédération, entre 300 et 500 millions pour les cantons) en cas de oui, il doit admettre aujourd'hui que les pertes pour les collectivités publiques seront beaucoup plus lourdes. Eveline Widmer-Schlumpf les estime à 200 à 300 millions par an sur dix ans pour l'impôt anticipé, plus 200 à 300 millions par an pour l'impôt sur le revenu. S'y ajoute 1,2 milliard pour la seule année 2011. Mais la Grisonne affirme que ce qu'elle perdra là, son administration des contributions pourra le récupérer ailleurs.

A fortiori, la ministre du Parti bourgeois-démocratique juge ces pertes «supportables» pour le ménage fédéral. Pas question dès lors de changer la loi. Le Conseil fédéral demeure en effet convaincu de la justesse de la réforme. «La réglementation quelque peu malheureuse concerne l'effet rétroactif (l'exonération fiscale a été accordée pour la restitution des réserves financières constituées entre 1997 et 2010, ndlr.), qui conduit maintenant à ces pertes de recettes.»

En outre, changer la loi juste après son entrée en vigueur (c'était le 1er janvier dernier) ferait désordre. Elle créerait en plus une inégalité de traitement entre les entreprises qui ont déjà profité de la réforme pour verser des montants libres d'impôt à leurs actionnaires et celles qui ne l'ont pas encore fait, selon la conseillère fédérale. «Ce serait un mauvais signal envoyé à la place économique.»

Eveline Widmer-Schlumpf, qui n'était pas au Conseil fédéral lorsque la réforme a été conçue, reconnaît néanmoins que la brochure d'explication aux citoyens ne chiffrait pas les pertes liées à l'exonération de ces agios, faute de données statistiques disponibles. «Elle ne contenait pas d'erreurs, mais était incomplète. Cela n'encourage pas vraiment la confiance» du peuple dans les autorités. Elle se garde bien pour autant de conclure que le résultat de la votation (50,5% de oui) aurait été différent. «Le Conseil fédéral n'a pas trompé délibérément le peuple, il a présenté les faits sous la lumière qui l'arrangeait», enchérit Yvan Perrin (UDC /NE). «On ne peut pas annuler une décision juste sur le fond», enchaîne Fulvio Pelli, président du Parti libéral-radical suisse.

«La parole donnée au peuple vaut plus que celle donnée aux entreprises», rétorque Christian Levrat (FR). Le Parti socialiste qu'il préside ne s'arrêtera pas là et déposera une proposition pour suspendre l'effet rétroactif de la réforme; il veut aussi les commissions de gestion - chargées de la surveillance du gouvernement - s'emparent au plus vite du dossier. /SGU

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