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Radicalisation djihadiste: la Suisse est autant touchée que l’Allemagne, l'Arc lémanique en tête

La Haute Ecole zurichoise des sciences appliquées a mené, sur plusieurs années, une vaste enquête pour tenter de dresser le portrait-robot du voyageur du djihad établi en Suisse. Il livre ses conclusions ce mercredi.

12 juin 2019, 10:14
La Suisse a un taux de voyageurs du djihad nettement plus élevé que l'Italie mais légèrement inférieur à celui de l'Allemagne.

Qui sont les voyageurs du djihad suisses ou binationaux? De quoi vivent-ils? D’où viennent-ils? Comment se sont-ils radicalisés? Comment les prendre en charge? La Haute Ecole zurichoise des sciences appliquées a tenté de répondre à ces questions en lançant une vaste enquête, «Contexte de la radicalisation djihadiste en Suisse», menée par Miryam Eser Davolio, en 2015. Les données sont basées sur une analyse quantitative des informations fournies par le Service de renseignement de la Confédération (SRC) sur le contexte de la radicalisation djihadiste et sur des entretiens avec divers acteurs.

Qui sont-ils?

En Suisse, la radicalisation djihadiste touche surtout les jeunes hommes vivant dans des agglomérations et ayant généralement un faible niveau d’instruction et une faible intégration au marché du travail. Certains d’entre eux sont également confrontés à des problèmes sociaux et psychologiques et avaient un passé criminel avant même leur radicalisation. Un tiers des radicalisés relevés dans l'échantillon sont de nationalité suisse. Environ 35% sont nés en Suisse, plus de la moitié y ont grandi et deux tiers y ont été socialisés durant leur jeunesse. Parmi les voyageurs du djihad, les convertis sont largement surreprésentés, puisqu'ils représentent 20% des cas.

D’où viennent-ils?

31,5% de l'échantillon de 130 cas fourni par le SRC concernent l'Arc lémanique. Cela représente 2,7 cas par centaine de milliers d'habitants, soit 41 cas au total. La densité de cas de radicalisation djihadiste sur l'Arc lémanique - Genève, Vaud et Valais compris - atteint presque le double de celle observée dans le canton de Zurich ou dans l'Espace Mittelland incluant Berne, Fribourg, Neuchâtel et le Jura.

De manière générale, la Suisse romande est surreprésentée dans cette statistique: 42,3% des radicalisés recensés y vivent alors que la population romande représente à peine un quart des habitants en Suisse. La Suisse alémanique compte 70 cas sur 130, alors que 71% de la population suisse y vit. Au Tessin, le nombre de cas (5) est minime. De manière générale, les cas se concentrent surtout dans les grandes agglomérations et ne touchent que marginalement des régions principalement campagnardes comme la Suisse centrale.

La Suisse, un cas particulier?

Par rapport à la population totale, la Suisse a un taux de voyageurs du djihad nettement plus élevé que l’Italie mais légèrement inférieur à celui de l’Allemagne. Cependant, la Suisse n’est pas aussi fortement touchée par le problème de la radicalisation djihadiste que la France, la Belgique ou l’Autriche. L’étude montre également que la proportion de convertis parmi les voyageurs du djihad est disproportionnellement élevée (environ 20 %). Miryam Eser Davolio met en garde contre les stéréotypes car ils n’étaient généralement pas délinquants avant la radicalisation.

Dans quelles conditions se radicalisent-ils?

Deux tiers des personnes observées ont grandi dans un contexte familial difficile. Une large majorité a subi des discriminations et 17% consommaient régulièrement des drogues avant de se radicaliser.

Un tiers des personnes concernées étaient au chômage avant leur radicalisation. La part de chômeurs parmi les personnes en cours de radicalisation augmente à 58%. Durant cette phase, beaucoup abandonnent leur formation ou leur emploi pour se consacrer à l'activisme religieux. Selon l'étude, les individus en voie de radicalisation se démarquent en prenant de plus en plus leurs distances par rapport à la société.

Le profil type du musulman radicalisé en Suisse est un homme de 18 à 35 ans, issu de parents immigrés, vivant dans une grande ville ou dans son agglomération, au niveau de formation modeste, mal intégré sur le marché du travail.
Miryam Eser Davolio, professeure à la ZHAW et directrice de l'étude

De quoi vivent-ils?

Nombre de personnes concernées sont aussi au chômage après avoir séjourné en prison. Environ 40 % des 130 personnes radicalisées djihadistes enregistrées dépendent de l’aide de l’État (aide sociale, allocations de chômage, AI ou aide aux réfugiés). La réinsertion se voit donc confier une tâche particulière en matière d’intégration.

Comment prévenir cette radicalisation?

"Détecter tôt des tendances de désintégration à l'école ou au travail et tenir compte d'activités criminelles augmente les chances de succès de mesures de prévention et d'intervention", souligne Miryam Eser Davolio, professeure à la ZHAW et directrice de l'étude.

Autre recommandation: il faut prendre des mesures de protection contre la propagande et le recrutement. Dans ce domaine, la dynamique de groupe et les contacts avec des personnes aux intérêts communs sont plus déterminants que la consommation de contenus en ligne, même si cette dernière constitue une caisse de résonance.

Des prisons spéciales, la solution?

Les autorités d'exécution des peines doivent elles aussi relever le défi que représente la présence de détenus radicalisés. Les auteurs de l'étude suggèrent de transformer deux à trois prisons en centres de compétences destinés à des détenus de ce type. Le personnel doit suivre une formation continue, tous métiers confondus pour traiter les personnes radicalisées de manière attentive et professionnelle.

Quant aux services de prévention de l'extrémisme ou de type "bâtisseur de ponts avec les minorités", régis par les grandes villes ou les cantons, ils sont exhortés à définir des exigences minimales et à échanger leurs expériences.

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