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Quatre banques soupçonnées d'avoir fermé les yeux

11 nov. 2011, 04:15

Quatre banques suisses ont enfreint la réglementation en matière de blanchiment en acceptant des avoirs de potentats d'Afrique du Nord. L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a rendu public hier un rapport constatant des «manquements graves» à leur devoir de surveillance.

La Finma a engagé une procédure administrative à l'encontre des quatre banques. Les sanctions potentielles vont du blâme au retrait de l'autorisation d'exploitation. L'autorité de surveillance refuse à ce stade de nommer les établissements concernés. Une pratique qui s'écarte des principes qu'elle s'est elle-même fixé dans un document daté de décembre 2009: «Si la Finma décide d'informer les médias d'une procédure (…), elle cite en règle générale nommément les assujettis concernés». Son porte-parole, Tobias Lux, ne s'exprime pas sur cette décision. Il ajoute que la Finma ne s'est pas encore déterminée sur la manière dont elle communiquera à l'issue de la procédure.

Procédure pénale?

Parmi les banques incriminées, deux semblent avoir omis «intentionnellement» d'appliquer la procédure régissant les relations d'affaires avec des personnes politiquement exposées (PEP), note le rapport. Il donne ainsi l'exemple d'une PEP «semi-retraitée» dont le compte était régulièrement crédité de «montants à sept chiffres». Selon la Finma, «il n'est pas exclu» que le conseiller clientèle de cette personne, un membre de la direction de la banque, «ait bloqué des tentatives de clarification en arguant du fait qu'il répondait de l'intégrité de la PEP». De tels agissements, ne devraient-ils pas être dénoncés comme indices de blanchiment aux autorités pénales? «S'il s'avère que des faits doivent être dénoncés à d'autres autorités, la Finma le fera, comme la loi l'y oblige», indique Tobias Lux.

Au printemps dernier, en raison des révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye, le Conseil fédéral avait ordonné le blocage de 830 millions de francs de fonds liés aux potentats déchus, ou en voie d'être destitués, de ces pays. La Finma a examiné le comportement des vingt banques suisses qui ont annoncé détenir des avoirs de ces dictateurs et de leur entourage. En revanche, celles qui n'ont rien signalé n'ont pas été intégrées à cette investigation. «Nous contrôlons tous les instituts financiers dans le cadre de notre surveillance générale», précise Tobias Lux. «Si des banques ont omis d'annoncer des avoirs, même après le blocage décidé par le Conseil fédéral, elles s'exposent à des sanctions pénales.»

Outre les cas graves, plusieurs «manquements légers» ont été constatés. Mais la Finma refuse de dire combien de banques sont concernées. Elle estime en outre que les lacunes constatées ne nécessitent pas un renforcement des dispositions légales pour lutter contre le blanchiment d'argent.

«Jusqu'à aujourd'hui, la Finma était un tigre de papier. J'espère qu'elle va enfin se réveiller et assumer son mandat!» Jean Ziegler, auteur du livre réquisitoire «La Suisse lave plus blanc» en 1990, appelle l'autorité de surveillance à prononcer «pour la première fois des sanctions effectives, par exemple en retirant leur licence aux banques concernées ou en leur infligeant des amendes chiffrées en millions de francs». Il estime que «Berne ne se rend absolument pas compte du tort terrible qui est fait à l'image de la Suisse par le recel de l'argent des dictateurs».

Jean Ziegler déplore que l'autorité de surveillance ait «limité son enquête aux comptes nominatifs des potentats, sans chercher les avoirs qui pourraient se cacher derrière des montages financiers». Outre ce même reproche, une coalition de sept ONG suisses critique, dans un communiqué diffusé hier, l'absence de contrôle dans les banques qui n'ont pas signalé de comptes douteux. «Ce n'est qu'à ce prix que des omissions volontaires de déclarer auraient pu être repérées», soulignent-elles. Les ONG réclament un renforcement de la législation. Elles estiment que les banques auraient dû, dans le cas tunisien en tout cas, bloquer les avoirs bien avant la décision du Conseil fédéral. mro

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