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Pas d'imprescriptibilité après 12 ans

23 juin 2011, 11:09

Dix ans, 12 ans, 14 ans, 16 ans: à quel âge faut-il faire débuter l'imprescriptibilité des crimes pédophiles?

Depuis que le peuple a approuvé le principe de l'imprescriptibilité, en 2008, cette question est au cœur des dispositions d'application de l'initiative lancée par l'Association suisse Marche blanche. Le texte constitutionnel prévoit que seuls les délits commis sur un enfant «impubère» sont imprescriptibles. Tout le monde admet qu'il faut préciser cette notion pour éviter des querelles d'interprétation devant les tribunaux, mais il n'y a pas encore de consensus sur l'âge à retenir.

Dans l'avant-projet de révision du code pénal envoyé en consultation, le Conseil fédéral avait proposé de fixer la limite à 10 ans. Tollé chez les spécialistes. Le projet soumis hier aux Chambres relève la limite à 12 ans.

Un premier pas

C'est un soulagement pour Christine Bussat, présidente de Marche blanche, qui craignait que le gouvernement ne campe sur ses positions. Elle aurait néanmoins préféré placer la limite à 14 ans. «La puberté est un processus qui dure plusieurs années», souligne-t-elle. «Il commence vers 10 ans et s'achève vers 14 ans.» Cette question sera au centre du débat parlementaire auquel participeront plusieurs membres du comité d'initiative, dont l'UDC valaisan Oskar Freysinger.

Celui-ci note qu'il y a une part d'arbitraire dans le choix d'une limite d'âge compte tenu des différences que l'on peut constater entre les jeunes.

Pour le président du PDC Christophe Darbellay, le Conseil fédéral a fait un pas dans la bonne direction mais c'est encore insuffisant: «Il faut s'orienter vers un âge auquel la majorité des jeunes a atteint la puberté, soit une fourchette de 14 à 16 ans.»

Les spécialistes contestaient tous la limite de 10 ans initialement retenue par le gouvernement, mais ils ne s'accordent pas sur l'âge le plus adéquat.

Selon l'Association des médecins cantonaux de Suisse, il faudrait placer la limite à 16 ans car l'apparition des premières règles intervient entre la 11e et la 16e année. Qui plus est, les garçons ont généralement une puberté plus tardive et il n'est pas question de fixer un âge différent selon les sexes.

Par contre, les services psychiatriques universitaires de Berne optent pour 14 ans en faisant valoir qu'il existe deux pics d'âge particulièrement tentants pour les pédophiles: le premier se situe autour de 5 à 6 ans, le second vers 11 à 12 ans. Réponse de la cheffe du Département fédéral de justice est police Simonetta Sommaruga: «Il n'est pas opportun d'aller au-delà de 12 ans car le dispositif prévu par l'initiative s'adresse clairement aux enfants très jeunes.»

C'est un dispositif d'exception. En droit suisse, l'imprescriptibilité ne s'appliquait par le passé qu'au génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de terrorisme. Le gouvernement a précisé la liste des nouveaux délits imprescriptibles.

Ce seront les actes d'ordre sexuel avec des enfants, la contrainte sexuelle, le viol et les actes commis sur une personne incapable de discernement, pour autant que la victime ait moins de 12 ans.

Si la victime a plus de 12 ans, c'est le délai ordinaire de prescription de 15 ans qui s'appliquera. Si c'est un mineur qui est l'auteur du crime, il n'y aura pas non plus d'imprescriptibilité afin de maintenir une possibilité de réinsertion. La victime pourra dénoncer l'auteur jusqu'à ce qu'elle ait 25 ans.

Une concession du Conseil fédéral

L'initiative ne sera pas appliquée rétroactivement car c'est contraire à toute la jurisprudence.

Le gouvernement a néanmoins fait une concession saluée par Christine Bussat. L'imprescriptibilité s'appliquera aux infractions qui n'étaient pas encore prescrites avant l'adoption du nouvel article constitutionnel, le 30 novembre 2008.

La prochaine bataille sera celle des interdits professionnels. Marche blanche a déposé il y a deux mois une nouvelle initiative populaire qui cherche à interdire aux personnes condamnées pour pédophilie de travailler avec des enfants. Le Conseil fédéral a décidé de lui opposer un contre-projet qui laisse une marge d'appréciation au juge.

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