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Neuchâtel: l’analyse d’un dossier de justice pénale par des étudiants dérange

Un professeur de la faculté de droit de Neuchâtel a été sommé de cesser d’utiliser un cas réel de droit pénal dans le cadre d’un de ses cours. Il avait en effet soumis ce dossier judiciaire sensible à ses étudiants de master.

30 juil. 2020, 20:19
Les étudiants de master de la faculté de droit de l'Université de Neuchâtel ne pourront plus se pencher sur le cas sensible qui leur avait été soumis par un de leurs professeurs. (illustration)

Un professeur de l’Université de Neuchâtel, cofondateur de Projet Innocence Suisse, ne pourra plus utiliser l’intégralité des pièces d’une procédure pénale dans un cadre académique. Des étudiants en master analysaient le dossier d’un homme condamné à 16 ans de prison, en vue de l’éventuel dépôt d’une demande de révision.

Le cas a été transmis à des étudiants en droit par l’association Projet Innocence Suisse, fondée en juin 2019, qui a pour but de lutter contre les erreurs judiciaires. L’homme avait été condamné en 2010 à Genève à 16 ans de prison, principalement pour le meurtre en 1999 d’une femme de 24 ans avec qui il avait eu un enfant. Le corps de la victime n’a jamais été retrouvé.

L’homme, qui a contesté les faits, avait aussi été reconnu coupable notamment de viol, de contrainte sexuelle et de violences sur quatre femmes, dont sa fille adoptive alors mineure. La peine était assortie d’une mesure d’internement. Le verdict de la Cour d’assises avait été confirmé par le Tribunal fédéral en 2012.

 

 

Accès au dossier coupé

Une des victimes de viol et la fille de la femme tuée ont découvert, par un reportage radiophonique, que des étudiants avaient accès à la procédure. Insatisfaits des explications d’André Kuhn, professeur de criminologie et de droit pénal à l’Université de Neuchâtel, leurs avocats Robert Assaël, Saskia Ditisheim et Nicolas Jeandin ont déposé une action en protection de la personnalité le 24 juillet.

Dans l’ordonnance rendue le jour même, le Tribunal de première instance genevois reconnaît l’engagement du professeur à retirer toutes les pièces concernant les deux femmes. Dans l’intervalle, l’accès au dossier doit être coupé. Ces mesures dites superprovisionnelles sont en vigueur jusqu’à ce qu’une nouvelle décision soit rendue, après l’audition des parties.

«Quel dérapage du professeur qui a donné à ses étudiants accès aux douze classeurs de la procédure pénale, sans cacher les noms des victimes qui ont été complètement oubliées», déplorent les avocats des plaignantes. Selon eux, la démarche relève «d’un militantisme n’ayant rien de scientifique. Ces étudiants sans formation ni protocole doivent 'trouver la faille' d’un jugement présenté d’emblée comme erroné.»

 

«Confidentialité absolue»

«Projet Innocence Suisse est sensible aux droits des victimes et les respecte. L’émotion des victimes est toujours compréhensible, mais elle ne doit pas avoir pour effet qu’un condamné qui clame son innocence ne puisse pas solliciter un nouveau regard sur son cas», relève Guglielmo Palumbo, président de l’association. Il rappelle que la mission est menée dans un idéal de justice et en aucune manière à l’encontre des victimes.

«Dans le cas présent, le professeur André Kuhn s’était immédiatement montré sensible à leurs demandes et a proposé une solution constructive», poursuit l’avocat, réfutant toute manipulation problématique du dossier par les étudiants en master. «Ce sont des juristes dignes de confiance. Ils se sont engagés à une confidentialité absolue et l’ont respectée», souligne-t-il.

Compte tenu la procédure en cours, le professeur André Kuhn n’a pas souhaité réagir.

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