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Les présidents latins des partis sont en bout de course

Tous les grands partis, à l'exception de l'UDC, sont dirigés par des Romands ou des Tessinois. C'est une anomalie de la politique suisse. Les élections fédérales d'octobre sonneront son glas.

06 janv. 2011, 08:40

L'ancien président du parti socialiste Peter Bodenmann ne mâche pas ses mots. Interrogé par la radio romande hier matin, il a mis en cause la place du Romand Christian Levrat à la tête du PS. «Si on veut vendre un produit à quelqu'un, il faut parler la langue parlée par la majorité», a-t-il dit en substance. «Or la politique, en Suisse alémanique, se fait en dialecte. C'est dur pour les Romands, mais c'est la réalité.»

Cette analyse a suscité une virulente réaction du principal intéressé, mais elle ne concerne pas seulement le Fribourgeois. Jamais encore la Suisse n'avait connu autant de présidents latins avec Christophe Darbellay à la tête du PDC et Fulvio Pelli à la tête du PLR.

Même les Verts contribuent à la tendance. Ueli Leuenberger est certes d'origine alémanique, mais il a fait sa vie à Genève. Il est peu probable que cette anomalie de la politique suisse survive aux élections fédérales de cet automne. Le personnel politique des partis devrait être renouvelé en 2012 en fonction des résultats et des trajectoires individuelles des uns et des autres. Ueli Leuenberger confirme déjà qu'il ne briguera pas un nouveau mandat présidentiel. Il est par ailleurs très improbable que Fulvio Pelli, fatigué, et Christophe Darbellay, controversé à l'interne, cherchent à rempiler. Ce dernier pourrait se contenter de la visibilité qui lui sera offerte par la commission de l'économie et des redevances qu'il présidera dès 2012. Cela lui donnera le temps de se préparer à un nouveau défi politique, à Berne ou en Valais.

La question est plus ouverte pour Christian Levrat. Il n'exclut pas de solliciter un nouveau mandat présidentiel. Par contre, il refuse de réduire la portée de cette charge au problème du dialecte. «S'il existe un handicap, il est dû à nos différences culturelles et non pas linguistiques. Je parle le bon allemand et je comprends le dialecte. Cela fonctionne parfaitement. Les Romands représentent un tiers de la population. Ils ne peuvent pas être cantonnés à des tâches subalternes.»

Christophe Darbellay - qui parle le dialecte - partage ce point de vue. «La théorie de Peter Bodenmann revient à nier la Suisse. Cela m'attriste de constater qu'elle émane d'un Haut-Valaisan qui fait lui aussi partie d'une minorité qu'on s'efforce de bien traiter.» Pour le politologue Andreas Ladner, le dialecte est un facteur secondaire. «La maîtrise de la langue n'est pas déterminante outre-Sarine. Micheline Calmy-Rey passe très bien en dépit de son allemand scolaire. Il faut surtout être solide dans les débats et savoir convaincre ses auditeurs. Cela demande un charisme qui fait défaut aux présidents actuels.

Il faut aussi adapter son message en fonction du public. Prenons le cas du PS. Le discours axé sur la lutte des classes passe mal en Suisse alémanique alors qu'il reste de mise en Suisse romande.» Le président des Verts Ueli Leuenberger souligne lui aussi l'importance de ces différences de mentalité. «On ne peut pas faire de la politique sans chercher à connaître son public. Je suis toujours étonné quand un collègue m'avoue venir pour la première fois à Genève. Personnellement, j'ai l'avantage de connaître les clubs de yodle de Suisse alémanique. Je sais aussi ce qui se passe au niveau culturel. Je regarde la TV et j'écoute la radio DRS. Cela va bien au-delà du dialecte.» Tous les présidents latins s'efforcent néanmoins d'assurer une présence importante en Suisse alémanique pour communiquer leur message politique.

Force est de constater que l'inverse n'est pas vrai pour l'UDC dont le président, Toni Brunner, néglige la Suisse romande. Et pour cause: il ne comprend pas le français. Cela n'empêche pas l'UDC d'avoir le vent en poupe. Pas parce qu'elle se concentre sur la Suisse alémanique, note Andreas Ladner, mais parce que son message est limpide. /CIM

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