Sur les 280,2 peines de prison ferme prononcées en moyenne annuelle durant cette période, 142 étaient le fait de juges de Suisse latine et 138,2 de juges alémaniques, ainsi que le révélait «Le Matin Dimanche».
Une proportion qui ne se justifie ni par un nombre accru de délinquants, ni parce que ces derniers seraient plus violents que les Alémaniques. C'est ce qu'a démontré Audrey Moret dans son travail de master à l'Université de Lausanne, publié dans la dernière «Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique».
En effet, le nombre de jugements prononcés, 10'344 par an en outre-Sarine et 3659 en Suisse latine, soit une proportion de 74%/ 26%, correspond à la densité de population du pays, souligne la criminologue dans son travail. Idem pour les infractions avec violence, respectivement 1454 contre 666, soit une proportion de 70%/ 30%.
Jura et Valais exceptés
Le problème est donc «uniquement cantonné au recours plus ou moins fréquent à la prison pour mineurs», écrit Mme Moret. Qui plus est, une comparaison de la durée moyenne des condamnations confirme que les juges latins sont plus sévères: en Suisse latine, elle se situe dans une fourchette de 0,75 à 2,1 mois, alors qu'en Suisse alémanique elle va de 0,48 à 1,7 mois.
Affinant l'analyse, la criminologue relève que la moyenne suisse est de 0,325 peine de prison ferme par an pour 1000 mineurs. Deux cantons romands sont en deça, le Jura (0,028) et le Valais (0,197). Le Tessin est légèrement au-dessus (0,357), mais ce sont surtout Neuchâtel(1,058), Fribourg (0,856), Vaud (0,854) et Genève (0,725) qui font grimper la moyenne latine.
Mais la palme revient à Soleure (1,326), le seul canton de Suisse à précéder Neuchâtel. Parmi les autres cantons alémaniques, seuls Appenzell Rhodes-Extérieures (0,923) et Bâle-Ville (0,353) se situent au-dessus de la moyenne suisse.
«Inadmissible»
Dans ses conclusions, la chercheuse se montre sévère. En infligeant de la prison ferme là où une autre peine ou des mesures moins restrictives auraient été tout aussi efficaces, «certains cantons de Suisse latine violent allégrement le principe de l'ultima ratio de la prison pour mineurs».
Selon elle, «il est inadmissible qu'une loi fédérale soit appliquée différemment alors que son but est justement d'uniformiser la pratique et de poser les principes de base à respecter.» /ats