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Leçons d'histoire à travers cent ans de lutte contre le cancer

06 janv. 2011, 04:15

Une saisissante radiographie de la Suisse des années 1910 à 2010 est révélée à travers le livre «Du tabou au débat? Cent ans de lutte contre le cancer en Suisse».

Réalisé par l'historien Daniel Kauz dans le cadre du centenaire de la Ligue suisse contre le cancer, cet ouvrage de 250 pages, fourmillant de documents inédits, va bien au-delà d'une publication de jubilé. Pour la première fois, une étude très documentée replace dans une perspective historique globale ce «fléau de notre époque», un mal, comme l'écrit le médecin allemand Karl-Heinz Bauer en 1949, «qui est pour nous ce qu'étaient les grandes épidémies de peste, de choléra, de typhus et de variole au Moyen Age».

Le Crabe nourrit des peurs ancestrales ancrées au plus profond de la mémoire collective. Hippocrate déjà mentionnait dans ses écrits le carcinome, en 400 av. J.-C. Mais c'est au seuil du 20e siècle que la perception même de la maladie change. Avec l'apparition des premières statistiques, la lutte contre le cancer devient une question de santé publique qui focalise le débat médical, social, politique. Les enjeux résident dans le développement de nouveaux traitements, telles la radiothérapie dans les années 1920, puis la chimiothérapie pratiquée dès 1947; mais une bataille acharnée se joue aussi sur le plan de la communication. Si le recensement des causes de décès, systématique depuis 1875, marque un progrès considérable, ces collectes de données encore aléatoires font l'objet d'interprétations à géométrie variable.

Et dans les doctes cénacles des Diafoirus des temps modernes, on assiste à des empoignades homériques quant à l'art et la manière d'appréhender cette pathologie. Pour les uns, il s'agit d'une maladie de la vieillesse, alors que d'autres savants décèlent les causes, en vrac, dans le climat, les sol marécageux, l'alcool, moult virus, le monde civilisé ou encore le manque d'hygiène, voire... la race. Néanmoins, en 1921, une étude montrant un taux de cancers plus élevé dans le quartier huppé du Zurichberg que dans les secteurs ouvriers de la Ville de la Limmat, ébranle quelque peu les thèses hygiénistes. Reste «l'influence de la race»! Ce facteur est invoqué pour justifier le nombre comparativement élevé de malades en Suisse par rapport aux pays voisins; on suppose même une prédisposition plus forte dans la population alémanique de Suisse orientale que chez les Welches.

Quelques décennies plus tard, stars et simples anonymes racontent leur cancer dans des livres, des blogs. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on annonce la découverte d'une molécule prometteuse ou, à l'inverse, la nocivité d'un aliment, d'un produit. Sujet de société permanent, le cancer joue une fois encore le rôle de révélateur d'une époque surmédiatisée. Et on a peine à croire que la publication du premier et bien modeste Bulletin d'information de la Ligue contre le cancer, en 1934, releva d'un véritable parcours du combattant.

«Du tabou au débat?» Cent ans de lutte contre le cancer en Suisse 1910-2010», par Daniel Kauz, éditions Attinger - Hauterive, 2010

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