Qui s'est fait avoir? Est-ce que les pro-nucléaires se sont fait rouler dans la farine ou les anti-nucléaires ont-ils été victimes de leur naïveté? La décision de principe de la commission de l'énergie du Conseil des Etats sur la sortie du nucléaire laisse la question ouverte. Le texte retenu par les commissaires prévoit qu'aucune autorisation générale ne sera plus accordée pour la construction de centrales nucléaires «de la génération actuelle».
La commission se réunit demain pour préciser ce qu'il faut entendre par là. C'est mission impossible, estime la conseillère fédérale Doris Leuthard. De son côté, le PDC maintient la pression sur ses propres troupes qui jouent un rôle de premier plan dans la Chambre haute. «Je ne veux pas d'un «non, mais» qui posera des problèmes de communication insolubles», explique le chef du groupe parlementaire PDC, Urs Schwaller.
Le sénateur fribourgeois ne part pas au combat les mains vides. Il avait pris la précaution, l'été dernier, de déposer au Conseil des Etats sa propre motion. Elle prévoit une sortie par étapes du nucléaire, conformément à la motion du PDC valaisan Roberto Schmidt votée par le Conseil national en juin. Pour des raisons de procédure, la motion Schwaller n'a pas été discutée en commission. Le plénum en débattra le 28 septembre.
La semaine dernière, la commission des Etats a créé la surprise en amendant sans aucune opposition le texte de la motion Schmidt avec la précision selon laquelle seules les centrales de la génération actuelle seraient concernées. Même les représentants de la gauche rose-verte se sont ralliés à cette formule. «C'est une question de réalisme politique», souligne le socialiste neuchâtelois Didier Berberat. «Nous n'avons perçu aucun frémissement permettant d'espérer une autre issue du côté des sénateurs PDC. Si nous devions nous retrouver sans motion aucune, le remède serait pire que le mal.» De son côté, l'écologiste vaudois Luc Recordon est persuadé que le cadre est posé de telle façon qu'il n'y a pas de mauvaise surprise possible.
«Besoin d'une ligne claire»
Pour Urs Schwaller, ce compromis ne tient pas la route. «On a tout entendu. Certains estiment qu'il ne faut pas s'attendre à une nouvelle technologie avant 40 ou 50 ans alors que d'autres affirment qu'elle pourrait déjà être disponible dans une quinzaine d'années. Il sera toujours temps le moment venu de reconsidérer la situation, mais pour l'instant, nous avons besoin d'une ligne claire.» Le vice-président du PDC, Dominique de Buman, renchérit: «On ne peut pas jouer sur les deux plans. Cela fragiliserait les investissements pour les énergies renouvelables.»
Il n'en reste pas moins que les quatre PDC membres de la commission de l'énergie ont voté le compromis. Urs Schwaller aura fort à faire pour les convaincre de revoir leur position. Il est prêt à relever le défi. «J'ai réuni le groupe parlementaire vendredi passé pour clarifier la situation. Il a soutenu à une écrasante majorité la ligne d'une sortie sans condition du nucléaire.» Doris Leuthard se bat dans le même camp. «Elle a souligné devant le groupe qu'elle était opposée à l'amendement apporté à ma motion», précise Roberto Schmidt.