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Le leurre du journalisme participatif

31 oct. 2011, 11:41

?Sur internet et depuis l'av?nement du web 2.0, il y a une volont? de participation des internautes? explique Chlo? Rosselet, de l'Institut des sciences de la communication et des m?dias de l'Universit? de Gen?ve. A l'heure o? les r?volutions naissent sur les r?seaux sociaux, les internautes veulent contribuer ? la production de l'information. Parall?lement, de nombreux sites de la presse suisse romande en ligne offrent la possibilit? de commenter les articles. Les m?dias souhaitent faire participer les lecteurs ? l'information. ?Et c'est notre r?le que d'ouvrir cette fen?tre?, lance Luc Petitfr?re, ancien r?dacteur en chef du ?Matin? online.

Pourtant, ces r?actions ne r?pondent pas aux esp?rances des m?dias lors de la cr?ation de l'outil ?commentaire? - instaurer le d?bat, une interaction entre les journalistes et les lecteurs. Les commentaires sont souvent ?motionnels, ironiques, critiques, des avis ponctuels qui n'entra?nent pas de d?bats constructifs. ?Il y a une minorit? qu?rulente, obstin?e et extr?me?, observe Gr?goire Nappey, r?dacteur en chef du Newsnet - plateforme qui g?re en commun les contenus des sites du ?Matin?, du ?24Heures? et de la ?Tribune de Gen?ve?. Enfin, les m?dias eux-m?mes n'exploitent pas, ou peu, cette production du lectorat.

Inciter les internautes ? poster leurs opinions pour cr?er un ?change reste pour l'instant une douce utopie. Toutefois, ?les commentaires sont une mati?re premi?re journalistique extraordinaire? estime Gr?goire Nappey. Mais sous-employ?s d'apr?s lui.

Tout le monde constate l'utilit? et la n?cessit? des commentaires, mais la formule ?bug?. Plusieurs raisons l'expliquent.

L'anonymat permet tout

L'anonymat, derri?re lequel se cache la majorit? des internautes (pseudo), pose diff?rents probl?mes. C?t? r?dactions, les journalistes peinent ? exploiter les commentaires int?ressants, car ils ne peuvent remonter ? sa source. ?On les utilise un petit peu, quand ils montrent l'int?r?t du sujet? explique Mathieu Coutaz, ?content manager? du site ?20 Minutes?. ?On les r?cup?re pour rebondir dans le journal avec un autre angle. Mais c'est limit?, on ne peut pas contacter l'auteur.?

Si d'aucuns consid?rent que l'anonymat offre une plus grande libert? de parole, il laisse surtout l'?motion prendre le dessus sur la r?flexion dans les commentaires. ?Les internautes se d?foulent, et ce n'est pas int?ressant pour les autres lecteurs? poursuit Mathieu Coutaz. Un avis partag? par Nicolas Willemin, r?dacteur en chef de ?L'Express-L'Impartial? et du site arcinfo.ch: ?le niveau n'est pas toujours digne d'?tre exploit?.

Les auteurs n'assument pas la responsabilit? de leurs opinions, ce qui nuit ? la cr?dibilit? du propos. Comme l'observe Chlo? Rosselet, ?l'anonymat permet la d?sinhibition?.

Une mod?ration h?sitante

La mod?ration est une activit? chronophage. Les r?dactions web, souvent de petites tailles, ?chouent ? d?gager du temps pour assurer le suivi des messages des internautes apr?s les avoir valid?s. Le ?Matin?, ?24 Heures? et la ?Tribune de Gen?ve? ont d?cid? r?cemment de d?l?guer la gestion des commentaires ? une soci?t? fran?aise, Netino. ?Les journalistes passaient ?norm?ment de temps ? g?rer ?a?, justifie Gr?goire Nappey. Les trois sites r?unissent quelque 2000 r?actions par jour. ?On pr?f?rait que les journalistes fassent du contenu.?

Mais les commentaires eux-m?mes peuvent engendrer du contenu. Par leurs avis, les internautes posent des questions pertinentes, interpellent les r?dacteurs. ?Les commentaires permettent de voir les th?matiques qui int?ressent les gens. Il y a des informations, cela donne des id?es en amont?, analyse Nicolas Willemin.

D'ailleurs, cela se ressent dans leurs attentes. ?Je commente pour apporter un compl?ment, une vue diff?rente, lutter contre la langue de bois? indique un internaute de 62 ans qui pr?f?re rester anonyme, habitu? d'arcinfo.ch. ?On a trop de copier-coller dans la presse, trop peu d'articles remettant en question le politiquement correct?. Ces messages portent un espoir de changer les choses et ont un impact. Des appels du pied aux journalistes?

La censure guette ?galement la mod?ration. Bien que des chartes, r?dig?es par chaque m?dia, d?finissent un ?r?glement?, l'appr?ciation des messages est laiss?e ? l'?quipe web. Les sujets sensibles, tel que le renvoi des ?trangers, entra?nent vite des d?rives: racisme, injures. Et il est parfois difficile pour les journalistes de poser une limite claire entre libert? d'expression et propos qui d?rapent. D'ailleurs, certains m?dias (le ?Matin? ou ?20 Minutes?) refusent que tous les sujets soient comment?s. ?Il y a des sujets qu'on n'ouvre pas, m?me si on sait qu'il y aura beaucoup de commentaires. Trop chaud, trop pol?mique, pr?t ? d?raper trop facilement?, regrette Mathieu Coutaz.

Un outil ? d?velopper

Le module des commentaires doit encore ?tre r?fl?chi pour fonctionner de fa?on optimale. Pour laisser les internautes ?tre les chiens de garde de la presse, pour lutter contre l'uniformisation de l'information. ?C'est une mati?re qui va devenir un fondamental du m?tier de journaliste. Mais il faut la retravailler. Ce n'est pas encore assez d?velopp?, conclut Gr?goire Nappey. ?Les commentaires am?nent un changement du m?tier. Ils ?largissent son champ de mati?re sur ces plateformes. L'internaute devient acteur et engendre de l'information.?

Les r?dactions print et web doivent travailler de concert. Pour que les avis des lecteurs puissent se r?percuter, pour que le d?bat puisse continuer de vivre, pour autant qu'il arrive ? na?tre.

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